THE OFFICI@L – Septembre 2025 – Numéro 104

The OFFICI@L – n° 104 – septembre 2025, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais..

Édito

Chers lecteurs,  

Après deux mois d’absence, The Offici@l est de retour en cette période de rentrée.

Les droits des fonctionnaires et des agents sont au cœur de ce numéro de septembre. Notre focus est consacré à la problématique du droit au renouvellement d’un contrat d’agent et aux conséquences de précarité qui en découlent.

En jurisprudence, nous analysons le récent arrêt Stanecki qui vient renforcer les droits de la personne concernée et le principe de la proportionnalité de la sanction.

Dans notre rubrique « Droit belge », vos avocats spécialisés en droit de la famille vous ont proposé un point sur les règles de compétence et les lois applicables en matière de divorces transnationaux.

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com  

Bonne lecture !

L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LAURA JAKOBS – LUCIE MARCHAL – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO – FEDERICO PATUELLI
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

 

En partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

Focus – La précarité des contrats d’agent à durée déterminée

Le recours croissant aux contrats d’agent à durée déterminée, constitue une source d’insécurité sociale et d’instabilité de la fonction publique européenne. Cette précarité va à l’encontre du principe selon lequel une administration indépendante s’appuie sur des agents dont l’emploi est stable et qui sont protégés contre les licenciements abusifs (Rapport de la Cour des Comptes européennes sur la Fonction publique européenne, n°24/2024, p.19).

Les agents temporaires et agents contractuels représentent désormais une part significative de la main-d’œuvre, rejoignant presque 35 % en 2023, ce qui met en lumière un problème structurel au sein des institutions (Rapport de la Cour des Comptes européennes sur la Fonction publique européenne, n°24/2024, p.21). Parfois, les contrats temporaires ne couvrent pas la limite maximale de six ans.  Tantôt les postes ne sont pas renouvelés arguant d’une absence de nécessité, tantôt les agents n’ont pas atteints le niveau de compétences requises.

L’absence d’un droit au renouvellement du contrat

Dans la fonction publique européenne, un agent temporaire titulaire d’un contrat à durée déterminée ne bénéficie d’aucun droit acquis au renouvellement de son contrat (arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEPP, T-296/21, point 48).

Comme le rappelle le Tribunal de l’Union européenne, le renouvellement d’un tel contrat n’est qu’une possibilité, subordonnée à l’intérêt du service (arrêts du 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, point 64, et du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, point 103) pour l’estimation duquel l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation (voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, point 46 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, point 106).

Néanmoins, selon une jurisprudence constante, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre, en vertu du devoir de sollicitude, en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, point 119 et jurisprudence citée).

Appliqué à une décision relative au renouvellement éventuel du contrat d’un agent contractuel, le devoir de sollicitude impose ainsi à l’autorité compétente, lorsqu’elle statue, de procéder à une mise en balance de l’intérêt du service et de l’intérêt de l’agent (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2020, AD/ECHA, T‑25/19, point 160).

En réalité, contrairement aux fonctionnaires qui jouissent d’une stabilité d’emploi prévue par le Statut, le pouvoir d’appréciation est tel que seule l’erreur de droit ou l’erreur manifeste d’appréciation peuvent amener à remettre en cause une décision de non-renouvellement.

Un pouvoir d’appréciation limité en cas de directives internes

Lorsqu’une institution adopte une procédure interne pour encadrer le renouvellement des contrats, elle s’impose à elle-même des critères et une transparence accrue. Toutefois, même dans ce cadre, l’absence d’un droit au renouvellement demeure : la décision finale relève toujours de l’intérêt du service et de l’évaluation des prestations de l’agent, sur la base des rapports d’évaluation disponibles.

La procédure

Lorsqu’une administration envisage de ne pas renouveler le contrat d’un agent, elle est censée de respecter un délai raisonnable entre la notification de l’intention de non-renouvellement et l’adoption effective de la décision (voir arrêt du 14 juillet 2021, IN/Eismea, T-119/20, point 170-171). Ce délai doit permettre à la personne concernée d’être informée suffisamment à l’avance, afin qu’elle puisse faire valoir ses observations, présenter ses arguments ou fournir des éléments complémentaires susceptibles d’influencer la décision finale.

Ainsi, la décision de non-renouvellement ne devrait intervenir qu’après que l’agent a eu la possibilité d’être entendu sur l’intention de l’administration (voir arrêt du7 juin 2023, KD/EUIPO, T-650/20, points 59-60).

L’incidence d’un rapport d’évaluation négatif

Il convient de souligner que la décision de non-renouvellement de l’administration peut se fonder sur l’existence d’un rapport d’évaluation négatif. Il est ainsi toujours recommandé d’être attentif au contenu du rapport- d’évaluation.

L’incidence d’irrégularité dans la procédure

En cas d’irrégularité dans la procédure (par exemple, si un rapport d’évaluation déterminant n’a pas été finalisé), la décision de non-renouvellement ne peut être annulée que si cette irrégularité a pu avoir une incidence décisive sur la décision. Mais cela ne crée pas pour autant un droit automatique au renouvellement : la relation contractuelle reste marquée par la nature du statut d’agent à durée déterminée.

Réclamation article 90§2 contre le non-renouvellement

La décision de non-renouvellement d’un contrat d’agent peut faire l’objet d’une réclamation sur pied de l’article 90§2 du Statut dans un délai de trois mois après l’adoption de cette décision.

Cette réclamation se bornera notamment à vérifier que toutes les règles de procédure ont bien été suivies et qu’aucune erreur manifeste n’a été commise.

Recours devant le Tribunal

En cas d’échec de la réclamation, reste la possibilité d’introduire une requête auprès du Tribunal de l’Union européenne. Le Tribunal aura à connaître des éventuelles erreurs de droit ou des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de la procédure de non-renouvellement. À peine d’irrecevabilité, seuls les arguments déjà évoqués dans le cadre de la réclamation peuvent être débattus devant le TUE.

Le recours devant le Tribunal implique que le requérant soit représenté par un avocat.

Jurisprudence – L’arrêt Stanecki/Commission (T-108/24)

Voici un arrêt intéressant qui renforce les droits de la personne concernée de ne pas s’auto-incriminer et de ne pas reconnaître les faits mis à sa charge sans que des circonstances aggravantes puissent être retenues contre elle.

Contexte de l’affaire

En décembre 2021, dans un mail adressé au Représentant permanent de la République de Pologne auprès de l’Union européenne (ci-après « l’ambassadeur polonais »), depuis son adresse personnelle, le requérant lui reprochait des prises de position anti-européennes et pro-russes et d’œuvrer en faveur de la destruction de la démocratie et des médias libres. L’ambassadeur a répondu, mettant en copie la secrétaire générale de la Commission et le chef de cabinet de la Présidente.

L’affaire a été transmise à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) qui a mené une enquête administrative. La Commission a infligé au requérant une sanction disciplinaire de suspension de l’avancement d’échelon pour 12 mois (décision du 3 juillet 2023). Le requérant a saisi le Tribunal de l’UE pour demander l’annulation de cette décision et une indemnisation. Il invoquait notamment des erreurs manifestes d’appréciation dans la procédure disciplinaire, une violation de l’article 12 du statut (dignité de la fonction), une atteinte à sa liberté d’expression ainsi qu’une mauvaise pondération des circonstances aggravantes et atténuantes.

Les violations relevées

S’agissant de la violation de l’article 12 du statut, le Tribunal a confirmé que le comportement du requérant, même dans un cadre privé, pouvait porter atteinte à la dignité de la fonction publique européenne, car il était identifiable comme fonctionnaire et ses propos étaient hostiles et irrespectueux. Son comportement pouvait apparaitre comme susceptible de provoquer une confusion quant aux intérêts poursuivis par l’Union qu’il est censé servir, et comme affectant l’image de conduite correcte et respectueuse qu’il est légitime d’attendre de la part d’un fonctionnaire de l’Union à l’égard d’un Représentant permanent d’un État membre.

Ensuite, en ce qui concerne la liberté d’expression, le Tribunal a rappelé que la liberté d’expression des fonctionnaires peut être limitée pour préserver la relation de confiance avec l’institution. Ici, la sanction ne portait pas sur le fait d’avoir exprimé une opinion, mais bien sur la manière dont cela a été fait.

Sur la question de la proportionnalité de la sanction et de la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes (article 10 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires), le Tribunal a examiné, en premier lieu, s’agissant des circonstances aggravantes, l’attitude adoptée durant la procédure disciplinaire, l’ancienneté ainsi que l’expérience professionnelle du requérant.

Quant à son attitude, l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) reprochait au requérant de n’avoir ni reconnu le caractère inapproprié de ses courriels, ni présenté d’excuses, ni pris d’engagement de ne pas récidiver. Le Tribunal a jugé à cet égard qu’il s’agissait d’une erreur de droit : un fonctionnaire ne peut être contraint d’admettre sa culpabilité ou de s’engager à ne pas récidiver s’il conteste les faits car cela reviendrait à lui imposer de reconnaitre le manquement en question. De plus, l’absence d’engagement à ne pas récidiver ne peut constituer une circonstance aggravante, dès lors qu’un fonctionnaire est tenu de s’abstenir de tout comportement qui puisse porter atteinte à la dignité de sa fonction (voir arrêt du 19 avril 2023, OQ/Commission, T-162/22, point 60).

Le Tribunal annule donc la décision de l’AIPN attaquée pour autant que, dans le cadre de son appréciation des circonstances à prendre en considération, l’AIPN tripartite s’est erronément fondée sur l’attitude du requérant pendant la procédure disciplinaire comme circonstance aggravante.

Pour le surplus, le Tribunal écarte les autres griefs du requérant relatifs à l’appréciation du caractère atténuant ou aggravant et de l’ancienneté du fonctionnaire.

A noter que l’avis du conseil de discipline, qui n’avait pas été suivi par l’AIPN tripartite, préconisait un simple avertissement. Le Tribunal censure ici également une malheureuse inclinaison de l’AIPN, et particulièrement de la Commission à ne pas suivre les avis du conseil de discipline en se basant précisément sur l’attitude supposée de la personne concernée pendant la procédure disciplinaire violant ainsi son droit le plus strict à ne pas s’auto-incriminer.

Un arrêt important qui fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour !

Droit belge – Les éléments de droit international privé qui influent le divorce de deux époux

Les mariages dits « transnationaux » sont fréquents. Des époux, de nationalités identiques ou différentes, célèbrent leur union sur le territoire d’un autre État que le leur, s’installent dans un autre, puis s’établissent définitivement ailleurs encore. Cette mobilité soulève des interrogations lorsqu’un conjoint, constatant l’échec de son couple, souhaite divorcer : quel tribunal saisir pour introduire la demande ? Quelle loi sera applicable à celle-ci ?

La présente contribution vise, dans la mesure du possible, à répondre à ces deux questions, en déterminant les règles de compétence (1) et de loi applicable (2) au divorce — c’est-à-dire à la seule question de savoir si, dans les registres de l’état civil, deux individus ont le statut de « mariés » ou de « divorcés ».

Il convient de ne pas confondre cette problématique avec celles relatives aux effets du divorce sur le patrimoine des (ex-)époux (voir un des prochains numéros), à leurs obligations alimentaires, ou encore aux mesures pouvant être prises entre eux, notamment en matière de résidence séparée et de jouissance des biens indivis.

Chacun de ces sujets obéit à des règles spécifiques de compétence et de loi applicable, et appelle donc une analyse distincte.

1) Quelles règles de compétence pour le divorce ?

L’article 3 du règlement 2019/1111 dit « Bruxelles II ter » prévoit à cet égard une série de critères de rattachement, alternatifs, pour déterminer dans quel Etat un époux peut formuler une demande en divorce. Il s’agit du (des) territoire(s) sur le(s)quel(s) se trouve(nt), au moment de la saisine des juridictions :

  • La résidence habituelle des deux époux ;
  • La dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la saisine ;
  • La résidence habituelle du défendeur ;
  • Si la demande est initiée conjointement par les deux époux, le lieu de résidence habituelle de l’un d’eux ;
  • La résidence habituelle du demandeur pour autant qu’il y réside depuis, à tout le moins, un an avant l’introduction de la procédure ;
  • La résidence habituelle du demandeur pour autant qu’il y réside habituellement depuis au moins six mois et qu’il soit ressortissant de l’état en question ;
  • L’état de la nationalité commune des deux époux.

Les critères de rattachement sont donc nombreux, mais il convient de constater que celui de la résidence habituelle reste central.

A cet égard, la Cour de Justice de l’Union européenne a eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de déterminer les contours de la notion de « résidence habituelle ».

Pour un adulte, il s’agit, en principe, du lieu où ce dernier s’est établi de manière durable, ce qui s’apprécie sur la base d’un ensemble de circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce (v. arrêt du 8 juin 2017, OL, C 111/17 PPU, points 42 et 54 ; arrêt du 28 juin 2018, HR, C 512/17, point 41 ; arrêt du 10 avril 2018, CV, C-85/18 PPU, point 49. Voy. également N. Watté et R. Jafferali, « a) La notion de résidence habituelle », Rép. Not., Tome XVIII, Bruxelles, Larcier, 2019, pp 150-152, P. Wautelet, « De la résidence à la résidence habituelle : la transsubstantiation appliquée au droit international privé », J.L.M.B., 2018/7, note sous Trib. Fam. Bruxelles (14ème ch.), 25 octobre 2017, p. 822).

Il s’agit du « lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie » (v. arrêt du 28 juin 2018, HR, C 512/17, point 42). Pour définir le caractère habituel, « il sera tenu compte de la durée et de la continuité de la résidence ainsi que d’autres faits de nature personnelle ou professionnelle qui révèlent des liens durables entre une personne et sa résidence » (v. arrêt du 12 mai 2022, WJ, C-644/20, pt. 66, voy. également S. Pfeiff., « Titre V – Responsabilité parentale » in Droit des personnes et des familles, 1ère édition, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 763).

2) Quelle est la loi applicable à un divorce ?

La loi qui sera appliquée au divorce, quant à elle, est réglée par le règlement 1259/2010, dit Rome III, qui prévoit qu’à défaut de choix des époux : « le divorce et la séparation de corps sont soumis à la loi de l’État :

  1. de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut,
  2. de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut,
  3. de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut,
  4. dont la juridiction est saisie »

Les quatre critères de rattachement précités sont hiérarchisés et non alternatifs de sorte que ce n’est que si le premier critère n’est pas rempli que l’on pourra se tourner vers le suivant, et ainsi de suite.

Conclusions

L’analyse qui précède, bien qu’elle couvre un large éventail de situation, ne saurait être exhaustive.

La compétence d’un tribunal ou la loi applicable à un divorce peut en effet varier selon la date de la demande ou les États entre lesquels existent des éléments d’extranéité. Il convient dès lors de prêter une attention particulière aux circonstances propres à chaque espèce.

Par ailleurs, dans certains dossiers, eu égard à la diversité des critères de rattachement permettant de déterminer la compétence, un époux peut avoir intérêt à saisir rapidement le tribunal d’un État afin d’empêcher la saisine d’un autre par l’autre partie. C’est ce que l’on appelle une « course au for ».

Il importe donc de rester vigilant quant à la pluralité des options offertes par le règlement, ainsi qu’aux conséquences que peut entraîner, notamment en matière de divorce, l’établissement de la résidence du couple dans un État donné.