THE OFFICI@L – Novembre 2025 – Numéro 106

The OFFICI@L – n° 106 – novembre 2025, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais..

Édito

Chers lecteurs,     

Pour ce numéro, nous vous proposons un focus sur le devoir d’indépendance des fonctionnaires : il est consacré aux activités extérieures des fonctionnaires et aux autorisations nécessaires auprès de l’administration. Dans notre prochain numéro, nous nous pencherons sur deux autres volets de la prévention de conflits d’intérêts : l’interdiction de détenir des intérêts dans les entreprises soumises au contrôle de son institution et de traiter des affaires dans lesquelles le fonctionnaire a un intérêt personnel.

Le harcèlement moral et les conséquences d’un refus de demande d’assistance par une institution reteindra notre attention en jurisprudence.

Dans notre rubrique « Droit belge », nous aborderons les conditions d’application du taux réduit de TVA de 6% sur les livraisons de logements privés ayant fait l’objet d’une démolition-reconstruction.

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com     

Bonne lecture !

L’équipe DALDEWOLF  

DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droits humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LUCIE MARCHAL – LAURA JAKOBS – SABRINA NAPOLITANO – FEDERICO PATUELLI
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

 

en partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES :
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

Focus – Devoir d’indépendance : les autorisations préalables

Préserver l’indépendance des fonctionnaires est une préoccupation majeure au sein d’une organisation internationale. Le Statut des fonctionnaires prévoit, à travers ses articles 11, 11 bis, 12 ter, 13 et 16, un ensemble de règles fondé sur le principe d’autorisation préalable. Ces dispositions imposent aux fonctionnaires et aux agents une collaboration loyale avec leur institution : il leur revient de prendre l’initiative de déclarer toute situation personnelle pertinente (incluant des changements) ou de solliciter les autorisations nécessaires, sans attendre un contrôle ou une intervention de l’administration. Être fonctionnaire, c’est non seulement exercer ses fonctions avec impartialité, mais aussi préserver cette impartialité au-delà du cadre professionnel. Les règles relatives aux autorisations préalables visent précisément à maintenir cet équilibre entre la vie professionnelle et privée, et les aspirations individuelles.

Activités extérieures

Les fonctionnaires et agents de l’Union doivent, avant toute chose, solliciter l’autorisation de leur autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) avant d’exercer une activité extérieure, rémunérée ou non. Cette obligation découle de l’article 12 ter du statut et s’applique à toutes les catégories de personnel, y compris aux nouvelles recrues qui souhaitent continuer une activité exercée avant leur engagement. Dès leur entrée en fonction, cette activité devient « extérieure » et nécessite donc une autorisation préalable. L’AIPN peut refuser cette demande si elle estime que l’activité envisagée entraverait l’exercice des fonctions ou serait incompatible avec les intérêts de l’institution.

La notion d’activité extérieure est interprétée de manière large. Elle englobe toute activité qui dépasse ce que l’on peut raisonnablement considérer comme un simple passe-temps ou loisir. Ainsi, la publication d’articles, la participation à un conseil d’administration ou encore la gestion d’une microentreprise sont, en générale, qualifiées d’activités extérieures, qu’elles soient rémunérées ou non.

À titre d’exemple, un agent temporaire a reçu un avertissement pour avoir publié, sans autorisation préalable, des articles non rémunérés portant sur le travail de l’Union, puis pour avoir rédigé des articles payants à titre indépendant sans l’accord de son institution (rapport 2023 de l’IDOC). Enfin, un agent contractuel ayant présenté une activité commerciale comme un simple hobby s’est également vu reprocher son manquement (rapport 2022 de l’IDOC).

L’autorisation préalable ne saurait donc être considérée comme une formalité administrative : elle constitue une garantie essentielle pour prévenir tout conflit d’intérêts.

Cette vigilance s’étend également aux périodes de congé et de cessation d’activité. En vertu de l’article 40, paragraphe 1 bis, du statut, un fonctionnaire en congé de convenance personnelle reste soumis à l’article 12 ter et doit solliciter une autorisation avant d’exercer une activité extérieure. Cette autorisation ne peut être accordée si l’activité envisagée comporte du lobbying ou de la défense d’intérêts vis-à-vis de l’institution, ou si elle est susceptible de créer un possible conflit d’intérêts. Par exemple, un fonctionnaire en congé de convenance personnelle qui réalisait des missions rémunérées pour la Commission via sa propre société a été sanctionné pour violation des règles applicables aux activités extérieures (rapport 2023 de l’IDOC).

Le tribunal de l’Union a confirmé à plusieurs reprises que l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation, mais que celui-ci doit s’exercer dans des limites raisonnables (SN / Commission, T-689/22, §39). Le cas d’un fonctionnaire en congé de convenance personnel de la DG Concurrence souhaitant devenir vice-président d’un cabinet de conseil économique est parlant. L’institution a refusé l’autorisation, estimant que cette activité pouvait être perçue comme créant un conflit d’intérêts, du fait des contacts, des informations privilégiées et de la visibilité publique du poste proposé. Le Tribunal a validé cette position, considérant que même une apparence de conflit d’intérêts suffit à justifier un refus (SN / Commission, T-689/22, §41).

Il convient aussi de noter que certaines institutions fixent des plafonds de rémunération pour les activités extérieures. À titre indicatif, la Commission européenne fixe un maximum annuel d’environ 10 000 euros nets, tandis que le Conseil plafonne à 5 000 euros. Ces limites visent à encadrer les activités accessoires pour éviter qu’elles ne deviennent une source principale de revenus susceptible d’altérer l’indépendance du fonctionnaire.

Activités après la cessation de service

L’après-fonction publique n’échappe pas non plus à cette logique. L’article 16 du statut impose à tout ancien fonctionnaire de respecter les devoirs d’honnêteté et de délicatesse lors de la prise de nouvelles fonctions dans les deux années suivant la cessation de ses fonctions. Toute activité professionnelle, rémunérée ou non, doit être déclarée à l’institution. Si cette activité est liée aux trois dernières années de service et risque de compromettre les intérêts légitimes de l’Union, l’AIPN peut en interdire l’exercice ou l’assortir de conditions. Là encore, la perception d’un risque de conflit suffit.

La jurisprudence van de Water / Parlement rappelle que le contrôle du juge se limite à vérifier que l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation (van de Water / Parlement (F-86/13, §§46, 48, 51). Le Tribunal a ainsi confirmé l’interdiction faite à un ancien chef de délégation de l’Union de représenter un autre organisme diplomatique dans son ancien pays d’affectation (Pinto Teixeira/SEAE, T‑667/18).

Activités lucratives du conjoint

Les règles s’étendent aussi, dans une certaine mesure, à la sphère familiale. L’article 13 du statut impose au fonctionnaire de déclarer toute activité lucrative exercée par son conjoint. Cette obligation vise à prévenir les situations de conflits d’intérêts indirects. Si l’AIPN estime que cette activité est incompatible avec les fonctions du fonctionnaire, elle peut envisager une mutation ou un changement d’affectation. Il ne s’agit pas d’une demande d’autorisation, mais d’une déclaration, permettant à l’institution d’évaluer les risques de manière proactive.

Election ou nomination à des fonctions publiques

Enfin, un fonctionnaire souhaitant se présenter à des élections ou exercer des fonctions publiques doit en informer l’AIPN conformément à l’article 15 du statut. Celle-ci décidera alors si ces fonctions peuvent être exercées en parallèle du service soit à temps plein soit à temps partiel, ou si un congé de convenance personnelle ou un congé annuel est nécessaire.

JURISPRUDENCE – Affaires T‑295/23 et  T‑1176/23 (WU / Eurojust)

Quelles sont les obligations de l’administration lors qu’elle est saisie d’une demande d’assistance aux termes de l’article 24 du Statut ? Est-il légitime de scinder la procédure en deux ? De quels pouvoirs doivent être investis les enquêteurs ? Une réponse à ces questions se trouve dans les prochains paragraphes !

Faits

WU, agent temporaire de grade AST 4 au sein d’Eurojust, a introduit le 7 mai 2021 une demande d’assistance fondée sur l’article 24 du Statut des fonctionnaires, alléguant des faits de harcèlement moral au sens de l’article 12bis.

Il affirmait avoir subi, sur deux périodes distinctes, des comportements répétés de harcèlement imputables à dix membres du personnel ; il estimait que les faits trouvaient leur origine dans l’attitude du directeur administratif. Ce dernier, exerçant les pouvoirs de l’AIPN et de l’AHCC, s’est récusé du traitement de la demande.

Eurojust a alors scindé la procédure en deux volets : le premier concernant les allégations dirigées contre le directeur administratif, confié au collège d’Eurojust, et le second visant les neuf autres membres du personnel, confié à son conseil exécutif.

Une évaluation préliminaire réalisée par un consultant externe a conduit à l’ouverture d’une enquête administrative. Le conseil exécutif a ouvert l’enquête pour le volet 2 le 15 juin 2021, tandis que le collège a étendu la mission aux faits du volet 1 le 30 juin 2021. Les deux volets ont été confiés à des enquêteurs externes, qui ont remis leur rapport définitif le 16 décembre 2021. Sur cette base, les membres nationaux délégataires (du Collège) ont clos l’enquête relative au volet 1 le 30 mars 2022, et le conseil exécutif a clos celle du volet 2 le 15 juillet 2022.

Le requérant a introduit des réclamations contre ces décisions, dont l’une a conduit à l’annulation pour défaut de motivation avant l’adoption d’une nouvelle décision le 14 février 2023 confirmant le rejet de la demande. Les deux décisions de rejet ont été contestées devant le Tribunal, qui a joint les affaires T-295/23 et T-1176/23.

Le Tribunal a constaté que la scission de la demande en deux volets et le traitement par deux AHCC distinctes avaient empêché une appréciation globale et contextuelle des faits, en méconnaissance du devoir de diligence et du principe de bonne administration.

Il a relevé que les enquêteurs externes n’étaient pas investis des pouvoirs décisionnels requis et que les versions du rapport communiquées aux deux organes étaient partielles, ce qui a compromis l’examen complet des interactions entre les protagonistes. Estimant que ces irrégularités pouvaient influencer le résultat de la procédure, le Tribunal a annulé les décisions attaquées et rejeté les recours pour le surplus.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal rappelle que l’article 24 du Statut impose aux institutions une obligation d’assistance visant à protéger les fonctionnaires et agents contre des attaques ou mauvais traitements, y compris lorsqu’ils proviennent d’autres membres du personnel. Cette obligation implique un examen sérieux, rapide et confidentiel des demandes, ainsi qu’une information claire du demandeur.

Le Tribunal souligne que la méconnaissance de cette obligation constitue une violation d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers.

Concernant l’article 12 bis, le Tribunal insiste sur la nature cumulative et contextuelle du harcèlement moral : il peut résulter d’un ensemble de comportements qui, pris isolément, ne seraient pas constitutifs, mais qui, appréciés globalement et dans leur contexte, peuvent caractériser un harcèlement. Dès lors, l’administration doit examiner les faits non seulement individuellement mais aussi conjointement, en tenant compte des interactions entre les protagonistes et de l’environnement de travail global. La scission de la demande en deux volets et son traitement par deux AHCC distinctes a empêché cette appréciation globale, ce qui constitue une violation du devoir de diligence.

Le Tribunal constate enfin que la désignation d’enquêteurs externes sans pouvoirs décisionnels ne suffit pas à satisfaire aux exigences de l’article 24. Bien que ces enquêteurs aient établi un rapport unique, les organes compétents ont reçu des versions partielles, ce qui a compromis l’examen complet des faits. Cette fragmentation a privé l’administration de la capacité d’appréhender l’influence éventuelle du directeur administratif sur les autres personnes mises en cause, élément central de la demande. En conséquence, Eurojust n’a pas respecté ses obligations statutaires.

Conclusions et réflexion critique

Le Tribunal annule les deux décisions attaquées, estimant que la scission de la demande et le défaut d’appréciation globale des faits ont violé le principe de bonne administration et l’obligation d’assistance. Il rejette les demandes indemnitaires, considérant que l’annulation constitue une réparation adéquate du préjudice moral allégué.

Cet arrêt réaffirme que la diligence et la cohérence dans le traitement des plaintes pour harcèlement sont des exigences fondamentales, dont la méconnaissance peut entraîner l’annulation des décisions administratives.

Pour les fonctionnaires et agents de l’UE, cet arrêt illustre l’importance de la protection contre le harcèlement moral et la nécessité pour l’administration d’agir avec célérité, impartialité et exhaustivité. Il met en lumière les risques liés à une approche fragmentée des plaintes et rappelle que la reconnaissance institutionnelle des faits de harcèlement peut avoir un impact significatif sur la santé et la dignité des agents.

Cette jurisprudence invite les organes de l’Union à renforcer leurs procédures internes afin de garantir une appréciation globale des situations et une réelle effectivité des droits statutaires.

Droit belge – Taxe sur la Valeur Ajoutée – Taux réduit de 6% applicable aux livraisons de bâtiments d’habitation issus d’une démolition et d’une reconstruction conjointe

 

Avec la collaboration de Gauthier DUQUESNE, collaborateur au sein de l'équipe de Droit fiscal de DALDEWOLF.

Depuis le 1er juillet 2025, le taux TVA réduit de 6 % s’applique (à nouveau) aux livraisons de bâtiments d’habitation issus d’une démolition suivie d’une reconstruction (article 53 de la loi-programme du 18 juillet 2025).

Ce taux réduit s’appliquait déjà dans le cadre d’un régime temporaire ayant pris fin le 31 décembre 2023, mais dont les effets pour les projets en cours avaient été prolongés jusqu’au 30 juin 2025.

Conditions d’application

Le taux réduit de 6% s’applique aux livraisons de bâtiments d’habitation qui ont fait l’objet d’une démolition et d’une reconstruction conjointe, pour autant que le ou les acquéreur(s) destine(nt) le bâtiment à l’une des affectations reprises au paragraphe 3 de la rubrique XXXVII de l’arrêté royal n° 20 :

a) Habitation propre et unique de ou des acquéreurs personne physique

Le taux réduit de 6 % s’applique à la vente d’un bâtiment d’habitation à un ou plusieurs particuliers, qui utiliseront le bien, pendant une durée minimum de cinq ans, comme habitation propre et unique :

  • Habitation unique : l’acquéreur ou les acquéreurs ne peuvent détenir, au moment de l’acquisition, aucun droit de propriété ni aucun autre droit réel sur une autre habitation, en Belgique ou à l’étranger. Cette condition doit être examinée individuellement pour chacun des acquéreurs. Si l’un d’eux ne remplit pas la condition, le bénéfice du taux réduit doit être ventilé au prorata des droits de propriété de chacun.
  • Habitation propre : L’acquéreur ou les acquéreurs doivent occuper personnellement le logement, y établir sans délai leur domiciliation et l’utiliser comme habitation principale à concurrence de plus de 50 %.

Cette affectation n’est toutefois possible que si la surface habitable n’excède pas 175 m².

b) Location dite « sociale » de longue durée

Le taux réduit de 6 % s’applique à la vente d’un bâtiment d’habitation à un acquéreur, personne physique ou morale, qui mettra le bâtiment en location pendant une durée minimale de 15 ans au bénéfice, ou par l’intermédiaire, d’une agence immobilière sociale (AIS), d’une société de logement social reconnue, ou d’une personne morale, de droit public ou privé, poursuivant une finalité sociale.

Aucune condition de superficie n’est applicable dans ce cas.

c) Location dite « ordinaire » de longue durée

Le taux réduit de 6 % s’applique à la vente d’un bâtiment d’habitation à un acquéreur, personne physique ou morale, qui mettra le bâtiment en location pendant une durée minimale de 15 ans au bénéfice d’une ou plusieurs personnes physiques, qui utiliseront le bâtiment comme habitation propre et unique (voir supra).

Cette affectation n’est toutefois possible que si la surface habitable n’excède pas 175 m².

Formalités

Pour que le taux de TVA réduit de 6 % puisse s’appliquer sur la livraison, le vendeur doit introduire une déclaration n° 111/3 contresignée par le cessionnaire (acquéreur), accompagnée d’une série de pièces justificatives (permis d’urbanisme, contrat(s) d’entreprise et compromis ou acte authentique). La contre-signature prend en réalité la forme d’une attestation signée par l’acquéreur et jointe au formulaire.

Cette déclaration doit être déposée avant le moment où la taxe devient exigible, conformément à l’article 17, §1er du Code de la TVA (soit avant le paiement du prix ou avant l’émission de la facture) ou, en cas de vente sur plan, avant le fait générateur de la taxe, conformément à l’article 16, §1er, alinéa 1er du Code de la TVA (soit la mise à disposition de l’habitation à l’acquéreur).

Une copie de l’accusé de réception délivré par le SPF Finances doit être remise à l’acquéreur. Les factures émises par le vendeur, et les contrats et actes authentiques relatifs à la livraison concernée, doivent faire référence à cette déclaration.

Par cette déclaration, le vendeur atteste que les conditions relatives à la démolition et à la reconstruction conjointes sont remplies, et l’acquéreur atteste que le logement est bien destiné à l’une des affectations requises.