The OFFICI@L – n° 94 – mai 2024, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.
Édito
Chers lecteurs,
Ce mois-ci notre Focus est consacré à un guide pratique relatif aux cas d’absence pour raisons médicales.
Nous évoquerons en Jurisprudence l’arrêt récent de la Cour de Justice qui précise les obligations d’affiliation en matière de sécurité sociale nationale pour les agents et les fonctionnaires.
Enfin notre rubrique En Droit belge est consacrée aux conditions qu’une banque doit respecter pour résilier un contrat avec un client lorsqu’elle se trouve dans l’impossibilité de remplir les obligations de vigilance imposées par la loi anti-blanchiment.
La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com
Nous vous souhaitons une très bonne lecture !
L’équipe DALDEWOLF
DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LUCIE MARCHAL – LAUREN BURGUIN – FEDERICO PATUELLI – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT
En partenariant avec le cabinet PERSPECTIVES :
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ
Focus – Les bons réflexes à avoir en matière d’absence médicale
Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions, de manière temporaire, par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.
Ainsi, en cas d’absence pour raison médicale, il convient d’adopter certains réflexes afin d’éviter, lors des contrôles qui peuvent être mis en place par l’Administration, les sanctions prévues dans les statuts pour absences irrégulières. Ces dernières vont de la retenue sur la période de congé annuel ou sur la rémunération du fonctionnaire et jusqu’à l’ouverture d’une enquête administrative ou disciplinaire.
Les réflexes à adopter :
Tout fonctionnaire empêché d’exercer ses fonctions temporairement doit en aviser son institution dans les plus brefs délais en produisant, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Ce certificat doit être envoyé au plus tard le cinquième jour de l’absence.
Le fonctionnaire sera également tenu de produire un certificat médical pour toute nouvelle absence pour cause de maladie lorsque les absences pour maladie sans certificat médical non supérieures à 3 jours dépassent, sur une période de 12 mois, un total de 12 jours.
Il convient, par ailleurs, de ne pas confondre l’incapacité temporaire de travail qui donne droit à un congé maladie visé par l’article 59 du Statut et qui maintient la rémunération, avec l’invalidité permanente et totale (visée par l’article 78 du statut) qui donne droit à une allocation d’invalidité.
Le contrôle médical :
Le fonctionnaire en congé maladie peut être soumis à tout moment à un contrôle médical organisé par l’institution (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 30 novembre 2010, Taillard / Parlement, F-97/09). Si ce contrôle révèle que le fonctionnaire est en mesure d’exercer ses fonctions, son absence est considérée comme injustifiée. Cela signifie qu’elle donnera lieu à des retenues sur sa période de congé annuel et une fois cette période épuisée, à des retenues sur sa rémunération.
S’agissant du contenu dudit contrôle, il appartient au service médical de l’institution dont relève le fonctionnaire de décider, en fonction de l’état de santé de celui-ci, quel type d’examens s’avère opportun ou indispensable, même s’il s’agit de tests psychiatriques.
La procédure disciplinaire :
Par ailleurs, une absence irrégulière peut conduire à l’ouverture d’une procédure administrative, puis le cas échéant disciplinaire (arrêt du 30 janvier 2020, PV/Commission, T-786/16 et T-224/18).
Le fonctionnaire peut évidemment contester les conclusions du contrôle médical et saisir, directement ou par l’intermédiaire de son médecin, l’institution d’une demande d’arbitrage par un médecin indépendant, et ce, dans les deux jours (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 22 mai 2007, Lopez Teruel/OHMI, F-99/06). L’institution doit alors transmettre cette demande à un autre médecin désigné d’un commun accord par le médecin du fonctionnaire et le médecin-conseil de l’institution. Si ces deux médecins ne s’entendent pas dans un délai de 5 jours, l’institution choisit l’une des personnes inscrites sur une liste de médecins indépendants qui est constituée chaque année à cette fin d’un commun accord par l’AIPN et le comité du personnel.
Le fonctionnaire peut encore contester ce choix dans un délai de deux jours ouvrables. Dans ce cas, c’est à nouveau l’institution qui procède à un nouveau choix, et ce nouveau choix est définitif. L’avis donné par ce médecin indépendant (l’arbitre) est contraignant pour les deux parties et suppose une consultation préalable tant du médecin du fonctionnaire que du médecin-conseil de l’institution :
=> avis positif de l’arbitre : confirmation des conclusions du contrôle organisé par l’institution, l’absence sera traitée comme une absence injustifiée ;
=> avis négatif de l’arbitre : non-confirmation des conclusions du contrôle, l’absence sera traitée comme une absence justifiée. Partant, les retenues sur la durée de congé annuel et sur le traitement qui auraient été pratiquées seront supprimées à titre rétroactif, et la procédure disciplinaire sera également retirée.
Saisine de la Commission d’Invalidité :
Si le fonctionnaire cumule des congés de maladie de plus de 12 mois sur une période de trois ans, l’AIPN peut saisir la Commission d’Invalidité pour que cette dernière examine la capacité du fonctionnaire à exercer des fonctions qui correspondent à un emploi de son groupe de fonctions, et donc apprécier s’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale au sens de l’article 78 du Statut.
Rien ne s’oppose en principe à ce que le fonctionnaire demande également que son cas soit déféré à une Commission d’Invalidité sans qu’une durée minimale d’absence ne soit alors requise.
Jurisprudence – Le fonctionnaire qui exerce une activité professionnelle accessoire doit-il s’affilier au régime de sécurité nationale ?
Dans un des rares arrêts rendus sur questions préjudicielles en matière de fonction publique, la Cour de Justice a été confrontée à l’obligation faite par la loi belge à toute personne, y compris les agents et fonctionnaires UE exerçant une activité accessoire en Belgique, de s’affilier et de cotiser au régime national de sécurité sociale (C-195/23).
Cet arrêt du 18 avril 2024 s’inscrit dans la continuité de l’affaire « Acerta » (C-415/22) dans laquelle la Cour avait considéré qu’un État membre qui soumet au régime de sécurité sociale un fonctionnaire de l’UE resté en service jusqu’à l’âge de la retraite et exerçant ensuite une activité indépendante méconnaît la compétence exclusive que l’Union tire du protocole et du Statut pour déterminer les obligations de sécurité sociale applicables aux fonctionnaires de l’Union européenne.
Faits
Le requérant devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles est un fonctionnaire de la Commission qui, à partir de 2015, a été autorisé à exercer une activité d’enseignement rémunérée à hauteur de 20 heures par mois.
En 2018, le requérant s’est affilié à une caisse d’assurance sociale belge pour obtempérer à la requête de l’autorité compétente en Belgique en matière de sécurité sociale des indépendants (INASTI), qui lui avait signifié l’obligation de procéder de la sorte.
S’estimant exempté d’une telle obligation, le requérant a dès lors saisi le Tribunal du travail francophone de Bruxelles, qui a sursis à statuer afin d’interroger la Cour de justice à cet égard.
Question préjudicielle
La question préjudicielle soulevée est de savoir si l’article 14 du Protocole sur les privilèges et immunités de l’UE et l’article 4, paragraphe 3, du TUE s’opposent à ce qu’un État membre exige d’un fonctionnaire de l’UE dans la situation du requérant son assujettissement à un régime national de sécurité sociale et le versement de cotisations de sécurité sociale, alors qu’il est déjà assujetti au régime de sécurité sociale des institutions de l’UE.
Apport
La Cour a rappelé que l’Union est seule compétente pour déterminer les règles applicables à ses fonctionnaires et que l’article 14 du Protocole exempte les fonctionnaires de l’obligation de s’affilier et de cotiser au régime national de sécurité sociale. Elle a jugé que la règle d’un État membre imposant à un fonctionnaire de l’UE de s’affilier à son système de sécurité sociale méconnaît la compétence exclusive de l’Union et viole le principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3 du TUE.
La Cour a également estimé qu’un tel arrangement pourrait conduire à un traitement inégal des fonctionnaires de l’UE, ce qui pourrait les dissuader de travailler pour l’UE. Elle a ajouté que les fonctionnaires peuvent toujours être soumis à l’imposition des États membres en matière fiscale en ce qui concerne leurs autres revenus, mais ce n’est manifestement pas le cas en ce qui concerne les obligations en matière de sécurité sociale.
Droit belge – « De-risking », ou quand une banque doit résilier le contrat
Par Pierre Proesmans
Le « de-risking » est la décision, prise par une institution financière, de refuser l’entrée en relations d’affaires avec des clients potentiels ou de mettre un terme aux relations d’affaires existantes avec ses clients actuels, au motif que ces clients appartiennent à une catégorie de personnes à laquelle l’institution financière estime que sont associés des risques excessifs de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.
La relation entre une banque et son client prend appui sur le « contrat de compte », qui est un contrat conclu à durée indéterminée, et teinté d’un fort caractère d’intuitu personae.
Les principes généraux en matière de résiliation des contrats à durée indéterminée trouvent à s’appliquer.
Ainsi, toute partie au contrat – qu’il s’agisse du client de la banque ou de la banque elle-même – dispose du droit de résilier celui-ci, le cas échéant à certaines conditions modalisées contractuellement, et généralement en respectant un préavis raisonnable. Il n’existe pas de droit au maintien éternel d’un compte bancaire. La clôture des comptes bancaires est subséquente à la fin de la relation.
Le Code de droit économique, dans son livre VII consacré aux services de paiements, légitimise également la résiliation unilatérale du contrat-cadre régissant la relation entre un établissement et son client en indiquant que si le contrat le prévoit, le prestataire peut, selon les modalités prévues dans le Code, résilier le contrat conclu pour une durée indéterminée, moyennant un préavis d’au moins deux mois.
La loi anti-blanchiment du 18 septembre 2017 donne par ailleurs aux banques une base légale complémentaire pour clôturer la relation bancaires. Elle prévoit que les établissements de crédit qui ne peuvent satisfaire à l’obligation de vigilance imposée par la loi ne peuvent ni nouer la relation d’affaires, ni effectuer une opération pour le client. Cette loi poursuit en indiquant que, lorsqu’elles ne peuvent satisfaire à cette même obligation à l’égard des clients existants, les banques doivent mettre un terme à la relation d’affaires déjà nouée.
Toutefois, consciente de la problématique que représente la pratique du « de-risking », la Banque Nationale de Belgique – le régulateur du secteur bancaire – a établi une circulaire visant à clarifier les attentes prudentielles du régulateur par rapport à ce phénomène.
La Banque Nationale confirme qu’il n’est pas approprié, ni conforme avec les exigences légales et réglementaires en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, que la politique d’acceptation des clients d’un établissement financier érige en règle l’exclusion de toute relation d’affaires avec des clients potentiels ou existants sur la base de critères généraux tels que, entres autres, leur appartenance à un secteur économique déterminé.
Ainsi, par exemple, la Banque Nationale invite dès établissements financiers dont la politique d’acceptation comprendrait de telles dispositions à les abroger dans les meilleurs délais.
La Banque Nationale estime que les dispositions de loi anti-blanchiment ne doivent pas être invoquées pour justifier le refus de nouer une relation d’affaires demandée par le client que dans les cas où la banque peut justifier qu’elle se trouve dans l’impossibilité avérée de remplir les obligations de vigilance imposées par la loi anti-blanchiment. Ces recommandations s’appliquent également lorsqu’un établissement met fin à une relation d’affaires en raison de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de remplir ses obligations de vigilance.
Traditionnellement, on estime que les seuls limitations possibles à la liberté du banquier de mettre fin à une relation sont l’abus de droit, les dispositions légales relatives à la non-discrimination, et le service bancaire de base – pour particuliers et pour entreprises.
En ce qui concerne le service bancaire de base pour les particuliers, celui-ci a été mis en place par le législateur pour combattre l’exclusion bancaire. Il impose aux banques un service garanti.
Ainsi, tout consommateur résidant légalement dans un État membre de l’Union européenne a droit au service bancaire de base, si les conditions suivantes sont respectées : le consommateur ne dispose pas déjà du service bancaire de base ou d’un autre compte à vue en Belgique, même dans une autre banque ; le consommateur n’a pas de comptes pour au moins 6.000 euros, en ce compris l’argent qui se trouve sur des comptes auprès d’autres banques ; le consommateur n’a pas de contrats de crédit pour au moins 6.000 euros ; le consommateur ne s’est pas rendu coupable d’une violation de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces.
Si ces conditions sont rencontrées, une banque ne peut normalement pas refuser le service bancaire de base.
Des dispositions similaires existent pour les entreprises, moyennant le respect des conditions et d’une procédure fixée par la loi.