
The OFFICI@L – n° 103 – juin 2025, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais..
Édito
Chers lecteurs,
Pour ce dernier numéro avant notre pause estivale, nous vous proposons un focus sur les principaux privilèges et immunités dont bénéficient les agents de l’Union européenne. Nous reviendrons également sur l’arrêt K e.a. / Conseil concernant l’annulation d’une décision de non-promotion en raison du non-respect des taux de référence.
Dans notre rubrique « Droit belge », nous aborderons l’application pratique du règlement n°261/2004 portant sur les droits d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol.
La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com.
Nous vous souhaitons un très bel été et vous retrouvons avec plaisir en septembre !
L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LAURA JAKOBS – LUCIE MARCHAL – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO – FEDERICO PATUELLI
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT
En partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ
Focus – Tour d’horizon des privilèges et immunités
Les privilèges et immunités accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne, encadrés par le Protocole n°7 sur les privilèges et immunités (PPI) annexé aux traités, ainsi que par l’article 23 du Statut des fonctionnaires, ont pour objectif de garantir l’indépendance des membres du personnel et le bon fonctionnement de l’Union européenne. Ces dispositions s’appliquent exclusivement dans l’intérêt de l’Union et n’exonèrent en aucun cas les fonctionnaires de leurs obligations privées, ni du respect des lois et règlements en vigueur.
Immunité de juridiction
L’article 11 du PPI accorde aux membres du personnel de l’Union européenne une immunité de juridiction pour les actes accomplis, ainsi que pour les paroles ou écrits formulés dans l’exercice de leurs fonctions officielles, et ce indépendamment de leur nationalité. Cette immunité vise à garantir l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de leurs missions. Elle continue de s’appliquer même après la cessation de leurs fonctions.
Cependant, cette immunité n’est pas absolue. L’article 17 du PPI prévoit que l’institution concernée peut y renoncer, à condition que cela ne nuise pas aux intérêts de l’Union. Par exemple, dans l’affaire C‑3/20 (LR Generalprokuratūra), la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que l’immunité prévue à l’article 11 du PPI ne constitue pas un obstacle absolu aux poursuites pénales à condition que les autorités nationales demandent au préalable la levée de l’immunité.
L’exonération fiscale
L’exonération fiscale des traitements, salaires et émoluments versés par l’Union européenne est inscrite à l’article 12 du PPI. En effet, les revenus versés par l’Union sont soumis à un impôt interne spécifique des systèmes fiscaux nationaux.
La Cour a notamment jugé, dans l’arrêt C-558/10 (Bourges-Maunoury et Heintz), que les États membres ne peuvent pas inclure ces rémunérations dans le calcul de plafonds fiscaux nationaux, comme l’impôt de solidarité sur la fortune, car cela reviendrait à exercer indirectement une compétence fiscale sur des revenus exclusifs de l’Union.
Toutefois, cette exonération ne s’étend pas aux autres revenus issus de sources nationales, tels que les loyers, successions, ou liés à l’exercice d’activités indépendantes, qui restent soumis à la législation fiscale de l’État membre concerné. Dans l’affaire C-349/14 (Pazdziej), la Cour a jugé que le salaire versé par l’Union pouvait être pris en compte pour le calcul de la taxe d’habitation en France, dès lors que cette imposition n’est pas fondée directement sur les revenus mais sur la composition du foyer fiscal.
Le champ de l’exonération couvre également certains aspects de la sécurité sociale. Dans l’arrêt C-415/22 (Acerta – Social Insurance Fund) un fonctionnaire européen ayant pris sa retraite et entamé une activité indépendante en Belgique avait été contraint de cotiser au régime national de sécurité sociale. La CJUE a jugé cette affiliation contraire au PPI, dans la mesure où il restait couvert par le régime de sécurité sociale de l’UE (RCAM). En revanche, la Cour a précisé que les revenus issus de cette activité indépendante restent imposables au niveau national.
Mobilité et facilités administratives
Pour faciliter la mobilité au sein de l’Union européenne, les fonctionnaires et agents bénéficient de mesures allégeant les contraintes administratives. L’article 11, point b), du PPI les dispense notamment des formalités d’immigration et d’enregistrement dans l’État membre d’accueil.
Par exemple, la Cour a sanctionné la Belgique pour avoir imposé une taxe liée à l’absence d’enregistrement dans les registres de population (Commission c. Belgique 85/85).
Quelques facilités matérielles sont également prévues. À leur arrivée, les fonctionnaires peuvent notamment introduire leur véhicule personnel dans leur pays d’affectation sans surcoût, selon les règles du marché intérieur. De surcroît, dans certaines institutions, ils bénéficient d’une exonération de TVA pour les achats effectués au cours de leur première année.
Limites des privilèges et immunités
Toutefois, les privilèges et immunités accordés aux fonctionnaires et agents de l’Union ne les soustraient pas à l’application du droit national dans leur sphère privée. Conformément à l’article 23 du Statut, ces protections ne visent que l’intérêt de l’Union et ne dispensent en rien du respect des lois en vigueur ni des obligations personnelles.
Ainsi, les juridictions nationales conservent toute compétence en matière de droit de la famille ou de droit civil. Dans l’affaire Kallianos / Commission (T-93/04), un tribunal belge a ordonné à un fonctionnaire de verser une pension alimentaire mensuelle à son ex-conjoint. L’autorisation de prélever cette somme directement sur la pension du fonctionnaire a été accordée à l’institution, considérée dans ce cas comme un employeur ordinaire.
Le même principe prévaut pour les dettes civiles, les loyers impayés ou autres engagements contractuels. Dans ces cas, les fonctionnaires sont pleinement soumis aux règles nationales. L’institution, lorsqu’elle est sollicitée en tant que tiers pour exécuter une décision de justice, ne peut invoquer l’immunité que si elle estime que l’exécution porterait atteinte au bon fonctionnement de l’Union. En l’absence de tel risque, elle autorise l’exécution du jugement, comme doit le faire tout employeur.
Jurisprudence – L’arrêt Kivisoki e.a. /Conseil : annulation d’une décision de non-promotion pour non-respect du taux multiplicateur de référence
Le 30 avril 2025 le Tribunal de l’UE a rendu son arrêt dans l’affaire T-202/23 (Kivikoski e.a./Conseil), annulant la décision de non-promotion au grade AST 8 de trois fonctionnaires du Conseil lors de l’exercice de promotion de 2022.
Contexte
Les requérants ont été inclus dans la liste des 81 fonctionnaires promouvables au grade AST 8, publiée par l’AIPN du Conseil le 20 juin 2022. Cependant, la communication au personnel n° 30/22 annonçait l’ouverture de seulement 18 possibilités de promotion à ce grade. Or, le nombre de promotions au grade AST 8 en 2022 aurait dû être calculé en appliquant le taux multiplicateur de 25 %, prévu à l’annexe I, section B, du Statut, au nombre de fonctionnaires AST 7 en activité au 1er janvier 2021 (145 agents), soit environ 37 promotions.
Le 13 juillet 2022, la liste des fonctionnaires proposés à la promotion a été publiée, excluant les noms des requérants. Ils ont alors introduit une réclamation contre cet acte, puis un recours devant le Tribunal de l’UE.
Intérêt à agir/recevabilité du recours
Le Tribunal a jugé que les requérants avaient un intérêt à agir contre la liste des fonctionnaires promus, pour deux raisons. Tout d’abord, la liste des fonctionnaires promus fait également grief aux fonctionnaires dont les noms ne figurent pas sur la liste dans la mesure où elle constitue un refus implicite de les promouvoir.
Ensuite, les trois fonctionnaires requérants, qui avaient une ancienneté de minimum de deux années au grade AST 7 et présentaient des rapports d’évaluation satisfaisants avec des notes comparables aux autres fonctionnaires promouvables, pouvaient démontrer une perspective raisonnable d’être promus si le nombre de promotions octroyé avait été conforme au taux multiplicateur statutaire.
Une mauvaise application du taux multiplicateurs de 25 %
Sur le fond, le Tribunal rappelle que les taux multiplicateurs utilisés lors de l’exercice de promotion doivent être appliqués à la base des effectifs “en activité au 1er janvier” selon l’article 6§2 du Statut, combiné à l’article 35.
De son côté, le Conseil arguait qu’il avait été nécessaire d’adopter des mesures correctrices concernant le taux de promotion applicable aux fonctionnaires de grade AST 7, dès lors qu’il y avait dans ce grade une accumulation constante de fonctionnaires n’ayant pas vocation à être promus aux grades supérieurs, ceux-ci étant limités au grade AST 7 dans le cadre du « parcours de carrière AST 1-AST 7 ».
A cet égard, le Tribunal identifie deux fonctions distinctes des taux multiplicateurs, la première qui vise à calculer les postes ouverts à la promotion (application quinquennale) et la deuxième, qui porte sur la détermination de la durée moyenne de carrière dans un grade (non liée à la base quinquennale). Or, des considérations relatives à la durée moyenne de carrière dans le grade AST 7, n’autorisait pas le Conseil à appliquer un taux multiplicateur de promotion différent de celui prévu à l’annexe I, section B, du Statut, ni de s’écarter du nombre réel de fonctionnaires en activité au grade AST 7 au 1er janvier de l’année 2021 pour définir le nombre de fonctionnaires AST 7 promouvables.
Le Tribunal conclut qu’on ne peut pas utiliser le principe du mérite pour déroger aux règles statutaires claires relatives à l’ouverture des postes à la promotion. Ainsi, le Conseil n’a pas démontré qu’il pouvait s’écarter du taux de 25 % ni du nombre d’agents en poste.
Non violation du principe de l’absence de droit à la promotion automatique
Le Tribunal a également rejeté l’argument du Conseil selon lequel le respect des taux statutaires aurait conduit en l’espèce à une promotion automatique, contraire au principe de promotion fondée sur le mérite.
Conclusion
Par conséquent, le Tribunal conclut que le Conseil a mal appliqué les règles statutaires relatives au taux multiplicateur et a annulé la décision de non-promotion du Conseil.
Droit belge – Bientôt les vacances ? Connaissez vos droits en cas de vol perturbé
Vos droits en tant que passager aérien au sein de l’Union européenne sont protégés par le règlement européen (CE) n°261/2004. Ce règlement prévoit, dans certaines circonstances, une indemnisation, une assistance et/ou une prise en charge, en cas de vol annulé, retardé ou de refus d’embarquement.
Les dispositions du règlement s’appliquent à tout vol partant d’un aéroport situé dans l’Union européenne, quelle que soit la compagnie aérienne. Elles s’appliquent également aux vols arrivant dans l’Union européenne en provenance d’un pays tiers, à condition qu’ils soient opérés par une compagnie aérienne établie dans l’UE. Enfin, ces règles ne sont valables que si le passager n’a pas déjà reçu d’indemnisation ou d’assistance en vertu de la législation d’un pays non-membre de l’UE pour ce même vol.
Vol annulé
Si le vol est annulé moins de 14 jours avant le départ, le passager peut choisir entre trois options : le remboursement du billet, avec un vol retour si une correspondance a été manquée ; le réacheminement vers la destination finale dans les meilleurs délais ; ou le réacheminement à une date ultérieure, à la convenance du passager, sous réserve de disponibilité.
Il est important de noter qu’une fois l’une de ces options choisies, les deux autres ne peuvent plus être revendiquées.
En cas de remboursement, le montant de l’indemnisation dépend de la distance du vol, et peut varier entre 250 et 600 euros.
Le passager a également droit à une assistance pendant toute la période d’attente. Cette assistance comprend la fourniture de repas, de boissons, d’un hébergement si une ou plusieurs nuits sont nécessaires, ainsi que le transport entre l’aéroport et le lieu d’hébergement. Si aucune assistance n’a été fournie et que le passager a avancé les frais, la compagnie aérienne est tenue de les rembourser, à condition que ces dépenses soient justifiées, raisonnables et appropriées. Il est donc essentiel de conserver tous les justificatifs de paiement.
Enfin, aucune indemnisation n’est due en cas de circonstances extraordinaires. Cela inclut notamment les conditions météorologiques extrêmes, les urgences médicales ou encore les grèves extérieures à la compagnie aérienne.
Vol retardé
Lorsque votre vol est retardé au départ, vous avez droit à une assistance proportionnelle à l’attente (repas, boissons, hébergement le cas échéant).
Si le vol a plus de 5 heures de retard, vous pouvez demander le remboursement, à condition de renoncer au voyage.
Si vous arrivez à destination avec au moins 3 heures de retard, vous pouvez prétendre à une indemnisation (entre 250 € et 600 €, selon la distance), sauf si la compagnie aérienne prouve que le retard est dû à des circonstances exceptionnelles. De surcroît, si la compagnie aérienne vous propose un réacheminement et si vous atteignez votre destination finale avec un retard, l’indemnisation peut être réduite de 50 %.
Si vous manquez une correspondance à cause d’un retard, vous pouvez aussi être indemnisé si votre retard à l’arrivée dépasse 3 heures.
Refus d’embarquement
Si vous êtes refusé à l’embarquement contre votre volonté, par exemple en raison de surréservation, vous avez droit, en vertu de la réglementation européenne, à une indemnisation forfaitaire pouvant aller jusqu’à 600 € en fonction de la distance du vol, ainsi qu’au choix entre un remboursement ou un réacheminement vers votre destination finale, et à une assistance sur place (repas, rafraîchissements et hébergement si nécessaire).
Ce droit ne s’applique pas si le passager se présente en retard à l’enregistrement ou ne dispose pas des documents requis pour voyager.
Comment faire valoir vos droits ?
La première étape consiste à adresser une réclamation à la compagnie aérienne. Chaque transporteur propose un formulaire ou une procédure spécifique sur son site internet. Il convient de conserver tous les justificatifs de voyage : billet, carte d’embarquement, correspondances écrites, etc.
Si la compagnie ne répond pas dans un délai de deux mois ou si la réponse est jugée insatisfaisante, le passager peut déposer une plainte auprès de l’autorité nationale compétente. En Belgique, il s’agit de la Denied Boarding Authority.
Il est également possible d’intenter une action en justice, notamment via la procédure européenne de règlement des petits litiges, si les conditions sont réunies.