THE OFFICI@L – OCTOBRE 2024 – NUMÉRO 97

The OFFICI@L – n° 97 – octobre 2024, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.

Editorial

Chers lecteurs,    

Le présent numéro est consacré aux droits et obligations des agents et fonctionnaires européens durant leur période de stage (appelée aussi période probatoire), ainsi qu’à un arrêt récent du Tribunal de l’UE concernant la protection des lanceurs d’alerte au sein des institutions européennes.     

Dans notre rubrique « Droit belge », nous aborderons le nouveau Code du Logement bruxellois et le thème de la modification de la législation sur les baux en Région de Bruxelles-Capital.    

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com    

Nous vous souhaitons une très bonne lecture ! 

L’équipe DALDEWOLF  

DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LAURA JAKOBS – LUCIE MARCHAL – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO – FEDERICO PATUELLI
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

En partenariant avec le cabinet PERSPECTIVES :
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

Focus – La période de stage

La période de stage est une étape incontournable pour tout lauréat d’un concours avant sa titularisation en tant que fonctionnaire, et plus largement pour tout agent nouvellement recruté. Elle permet à l’Administration d’évaluer les aptitudes, les compétences et le comportement du fonctionnaire ou agent dans l’exercice de ses fonctions. À l’issue de ce stage, l’Administration décide de titulariser ou non le fonctionnaire stagiaire, et de maintenir ou non l’agent à son poste.

Durée et prolongation du stage 

Selon l’article 34 du Statut des fonctionnaires, chaque fonctionnaire est tenu d’effectuer un stage d’une durée de neuf mois avant de pouvoir être titularisé. Les agents temporaires sont soumis à une obligation similaire, avec un stage de neuf mois également (article 14 du Régime applicable aux autres agents “RAA”). Pour les agents contractuels, la durée du stage varie en fonction de leur groupe de fonctions : six mois pour ceux appartenant au groupe I et neuf mois pour les autres groupes (article 84 du RAA). 

La prolongation de la période de stage n’est possible que dans des circonstances exceptionnelles. L’Autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) dispose d’une large marge d’appréciation pour décider d’accorder ou non cette prolongation, laquelle n’est pas automatique.

Par exemple, l’Administration peut accorder une prolongation lorsque le stagiaire a été empêché d’exercer ses fonctions pendant une période continue d’au moins un mois en raison d’une maladie, d’un congé de maternité ou d’un accident (SB c/ eu-LISA, T-217/21). La durée du stage sera alors allongée pour une période équivalente. Cependant, même en cas de prolongation, la durée totale du stage ne peut excéder 15 mois (article 34 du Statut), limite stricte à laquelle il n’est possible de déroger, y compris en cas de congé maladie de plusieurs mois (B / Commission, T-603/18).

Évaluation des aptitudes et rapport de stage  

De manière générale, un rapport de stage est établi au plus tard un mois avant la fin du stage. Dans certaines institutions ou agences, un rapport intermédiare  peut également être établi. Le rapport de stage porte sur les compétences professionnelles, le rendement et la conduite du stagiaire au sein de son service. Le stagiaire a la possibilité de présenter ses observations en vertu du principe du respect des droits de la défense. En revanche, ce principe n’oblige pas l’Administration à adresser un avertissement au fonctionnaire stagiaire dont les performances professionnelles sont jugées insuffisantes pendant la période de stage (affaire M / Conseil, F-67/14). Le rapport est ensuite transmis à l’AIPN pour une décision finale (titularisation ou confirmation sur le poste, prolongation du stage ou licenciement). 

Par ailleurs, à tout moment durant la période de stage, l’Administration peut décider de rédiger un rapport en cas d’inaptitude manifeste du fonctionnaire ou de l’agent stagiaire. Ce rapport est ensuite communiqué au stagiaire, qui dispose d’un délai pour formuler ses observations. Ce mécanisme garantit le droit de la défense du stagiaire tout en permettant à l’AIPN de prendre une décision éclairée.

Bien que le stage ne soit pas assimilé à une période de formation, il est essentiel que le stagiaire puisse démontrer ses compétences et son comportement professionnel (G / Commission, F-49/08). Cela implique que le stagiaire reçoive des instructions et des conseils appropriés pour s’adapter aux exigences spécifiques de son poste. Une décision de licenciement à l’issue du stage peut être annulée si le stagiaire n’a pas été placé dans des conditions normales pour démontrer ses qualités (P / Cedefop, F-63/07). 

Licenciement et indemnités

Lorsque l’AIPN décide de licencier le fonctionnaire stagiaire ou l’agent en période probatoire, le licenciement prend effet avec un préavis d’un mois. Alors qu’un examen approfondi des motifs de rupture est nécessaire pour un fonctionnaire titulaire ou un agent confirmé sur son poste, l’Administration dispose d’une grande marge d’appréciation des aptitudes et des performances d’un fonctionnaire ou agent durant sa période de stage (C / GSA, F-83/15). La décision de titulariser ou non un fonctionnaire stagiaire repose sur une évaluation globale des éléments observés pendant le stage, dans l’intérêt du service.

Le stagiaire licencié peut bénéficier d’une indemnité, à condition qu’il ne puisse reprendre immédiatement une autre activité professionnelle. Le montant de l’indemnité dépend de la durée du service accompli : trois mois de traitement de base pour plus d’un an de service, deux mois pour une durée d’au moins six mois, et un mois pour une période inférieure à six mois. Pour les agents temporaires et contractuels, l’indemnité de licenciement correspond à un tiers du traitement de base par mois de stage accompli, sans qu’une durée minimale de service soit requise.

Jurisprudence – Protection des lanceurs d’alerte au Parlement européen

Le 11 septembre 2024, le Tribunal de l’UE a rendu son jugement dans l’affaire TU contre Parlement européen (T-793/22), sur la question de la protection à apporter à un assistant parlement accrédité (“APA”) au titre de son statut de lanceur d’alerte. Le requérant, assistant parlementaire d’une députée entre août 2019 et février 2022, a déposé en juillet 2021 une demande d’assistance et de protection pour harcèlement, conformément à l’article 24 du Statut des fonctionnaires de l’UE et a également signalé des irrégularités financières à l’OLAF. En réponse, le Parlement l’a transféré et placé temporairement sous la responsabilité d’un autre membre du même groupement de députés. À la suite de prétendues représailles, il a demandé à être déchargé de ses fonctions auprès du groupement de députés,t à être transféré à n’importe quel autre poste au sein du Parlement et à obtenir une prolongation de son contrat pour coopérer avec les enquêtes en cours. Le Parlement l’a déchargé de ses fonctions jusqu’à l’échéance de son contrat, mais ne l’a pas transféré sur un autre poste et n’a pas procédé au renouvellement de son contrat. l’APA a alors engagé un recours devant le Tribunal. 

L’arrêt du Tribunal apporte plusieurs enseignements :

  1. L’attribution automatique du statut d’informateur

En premier lieu, le Tribunal confirme que le Parlement n’avait aucune obligation d’adopter un acte juridique de reconnaissance formelle du statut d’informateur, au titre des articles 22bis à quater du Statut. En effet, ce statut est “automatiquement” accordé sans aucune formalité dès lors qu’un fonctionnaire ou un agent communique des faits concrets, authentiques ou, à tout le moins, vraisemblables. De surcroît, le fonctionnaire ou agent doit avoir agi de “bonne foi”, c’est-à-dire avoir estimé honnêtement et raisonnablement que les dénonciations étaient “essentiellement fondées” et qu’il était raisonnablement convaincu de l’existence de possibles irrégularités ou d’une faute grave. 

  1. L’obligation d’information de l’informateur des suites données à ses dénonciations

En deuxième lieu, le Tribunal indique que le Parlement, en tant qu’autorité compétente devant assurer la protection des fonctionnaires ayant dénoncé des irrégularités graves, ne s’est pas conformé à son obligation, à savoir :

  • Dans un premier temps, d’accuser réception de cette dénonciation, dans un délai de 5 jours ouvrables ; 
  • Dans un second temps, d’informer le requérant, dans un délai de 60 jours, du délai nécessaire pour engager l’action qui s’imposait.  

Ces obligations ne sont pas remises en question par la saisine de l’OLAF concernant certains faits, ni par les obligations d’information distinctes auxquelles l’OLAF est également soumis. 

  1. Obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer la protection de l’informateur 

En troisième lieu, le Tribunal a apprécié la légalité des mesures prises par le Parlement afin de protéger l’informateur.  

Le Tribunal a conclu qu’au regard du contexte de l’affaire, le fait de décharger le requérant de ses fonctions ne constituait pas une protection suffisante pour le requérant.  

Le Tribunal estime qu’en se limitant à cette seule mesure, sans chercher à proposer une solution complémentaire, telle qu’un transfert vers un autre service, le Parlement n’a pas pris toutes les mesures “raisonnables” et nécessaires pour garantir à l’informateur une protection équilibrée et efficace contre toute forme de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles. 

  1. La violation de la confidentialité et de la protection de l’identité de l’APA informateur

Enfin, le Tribunal estime que la confidentialité et la protection de l’identité d’un informateur sont violées lorsque, comme en l’espèce, l’institution compétente pour assurer la protection de l’informateur informe des personnes tierces des raisons d’un transfert ou d’une décharge des fonctions, et révèle de ce fait le statut d’informateur et l’identité d’une personne sous statut d’informateur sans que l’AHCC (Autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement) n’ait demandé l’accord à l’informateur, et notamment lorsque ces informations ne sont pas nécessaires.

Jugement du Tribunal

Ainsi, au vu des multiples illégalités commises dans la gestion de l’alerte lancée par l’informateur, la décision du Parlement européen est annulée par le Tribunal et il est condamné à verser 10.000 EUR de compensation pour le préjudice moral subi par l’APA.

Droit belge – Nouveau Code du Logement bruxellois :  nouvelles règles pour les bailleurs et locataires dès le 1er novembre 2024

Les nouvelles règles pour les bailleurs et locataires bruxellois, adoptées par le Parlement bruxellois, seront d’application à partir du 1er novembre 2024. Ce lot de nouveautés vise à supprimer les obstacles qui empêchent l’accès à un logement décent, abordable et durable et à assurer plus de sécurité de maintien d’occupation aux locataires à Bruxelles.  

La garantie locative au choix du preneur : 

Le nouveau Code du Logement prévoit que la garantie locative s’établit désormais au choix du preneur et peut prendre cinq formes différentes, dont la forme d’une caution personnelle.

Si elle prend la forme d’un montant d’argent, cette garantie ne peut plus excéder l’équivalent de 2 mois de loyer (charges non comprises). Pour éviter les problèmes de preuve de paiement, le montant de la garantie ne peut plus être remis en espèces au bailleur. Le bailleur doit rembourser la garantie au locataire dans les deux mois suivant son départ.

La contestation des erreurs de charges :  

Le contrat de bail fixera également les frais à charge du locataire ou du bailleur et leur répartition entre les deux parties.  Les erreurs de calcul des charges peuvent maintenant être contestées dans les deux années suivant la notification au bailleur ou au locataire bruxellois.  Si l’erreur favorise le propriétaire, ce dernier ne pourra réclamer le montant que pour les cinq dernières années. En revanche, aucune limite n’est imposée si l’erreur est en faveur du locataire, qui pourra réclamer le montant pour toute la période concernée par l’erreur.

Extension des compétences de l’Inspection régionale du Logement : 

La Direction Inspection Régionale du ogement (DIRL) assure le contrôle des normes minimales de sécurité, de salubrité et d’équipement des logements loués.  Pour ce faire, elle se focalise notamment sur les missions de lutte contre les pratiques discriminatoires en matière d’accès au logement. 

Un bailleur qui souhaite vérifier si son bien locatif répond aux normes minimales de qualité, pourra notamment demander une visite de contrôle par les inspecteurs de la DIRL. Dès le 1er novembre 2024, la compétence de contrôle sera étendue aux logements qui n’ont pas encore été ou ne sont plus mis en location.  

Une nouvelle forme de régulation des loyers :  

Le bailleur qui propose un bail de courte durée (de maximum 3 ans) doit signaler le dernier loyer appliqué pour le bien sur le contrat de bail. Cette mesure vise à empêcher les propriétaires bailleurs bruxellois d’augmenter arbitrairement le loyer entre deux locataires.

Cette possibilité d’augmentation ne sera permise que pour les baux de neuf ans (bail de longue durée), à leur renouvellement. D’un bail à l’autre, le loyer précédent peut uniquement être indexé. Cette mesure ne s’applique pas aux baux étudiants et des exceptions pourront être accordées en cas de travaux, notamment énergétiques.

Le nouveau Code du Logement introduit également une restriction visant à limiter à une seule fois la possibilité de prolongation des baux de courte durée.

Rénovations énergétiques et ajustement des loyers : 

Parmi les nouvelles règles, un encadrement des augmentations de loyer liées à des travaux de rénovation énergétique est prévu. Bruxelles Logement et Bruxelles Environnement sont cependant toujours en discussion afin de trouver un moyen de réguler ces hausses  dans un cadre proportionné. Cet ajustement pourrait se baser sur la Performance Energétique du Bâtiment (PEB) ou sur les économies d’énergie générées par les travaux. Un décret d’application précisera ces modalités.

Une autre nouvelle règle est qu’un propriétaire bailleur souhaitant entreprendre des travaux et annonçant un préavis à son locataire, dispose de deux mois au maximum pour fournir à ce dernier soit le permis d’urbanisme ; un devis détaillé ; une description des travaux accompagnée d’une estimation précise des coûts ou ; un contrat d’entreprise. En l’absence de ces documents, le locataire est en droit de demander l’invalidation du préavis.

La clause de domiciliation : 

La clause du bail relative à l’interdiction de se domicilier à l’adresse du bien loué n’est plus valide.

Les animaux domestiques : 

Enfin, la clause du bail relative à l’interdiction de garder des animaux de compagnie sera réputée non écrite, sauf si des motifs raisonnables justifient cette interdiction. Cela n’implique pas que le propriétaire doive obligatoirement accepter, mais le rejet doit être basé sur « un motif raisonnable » ou la détention peut être conditionnée. 

Nouvelles règles lors de la vente d’un bien loué :  

Le nouveau Code du logement bruxellois établit aussi le principe selon lequel l’acheteur d’un logement loué est tenu de reprendre toutes les obligations du contrat de bail en cours.

De plus, pour ce qui est des baux de courte durée, lorsqu’un propriétaire bailleur résilie un bail (avec un préavis de trois mois), le locataire a maintenant la possibilité, s’il trouve un nouveau logement plus rapidement, de donner un contre-préavis d’un mois.