The OFFICI@L – Octobre 2023 – Numéro 88

The OFFICI@L – n° 88  – octobre 2023, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.

Édito

Chers lecteurs,

Le présent numéro est consacré à l’indemnité d’installation et de réinstallation, ainsi qu’un commentaire d’un arrêt du Tribunal de l’UE concernant certains principes liés au bénéfice des allocations familiales d’un enfant majeur.

Dans notre rubrique « Droit Belge », nous aborderons la fraude aux moyens de paiement.

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com

Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit européen et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LUCIE MARCHAL – LAUREN BURGUIN – WADII MIFTAH
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

en partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES:
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

FOCUS : L’indemnité d’installation et de réinstallation

Le Statut des fonctionnaires de l’UE prévoit la possibilité de verser une indemnité d’installation aux fonctionnaires tenus de changer de résidence pour travailler dans une institution (art. 5 de l’Annexe VII du Statut). L’objectif poursuivi par cette indemnité est de permettre aux fonctionnaires qui ont dû changer de résidence pour satisfaire leurs obligations professionnelles, de supporter les charges inévitables en lien avec leur intégration dans un nouvel endroit d’affectation pour une durée substantielle (FH / Parlement, F-26/15). Toutefois, il convient de préciser que les frais liés au déménagement en tant que tels font l’objet d’un autre remboursement spécifique.

Le montant de l’indemnité d’installation correspond à un mois de traitement de base, si le fonctionnaire n’a pas droit à l’allocation de foyer, ou deux mois, s’il en a droit. Lorsque deux conjoints fonctionnaires ou agents ont droit à cette indemnité, celle-ci sera versée uniquement au conjoint dont le traitement de base est le plus élevé.
Si le fonctionnaire quitte le service de sa propre volonté dans les deux ans après son arrivée au sein des Institutions, une partie de l’indemnité d’installation devra être remboursée au prorata de la partie du délai qui resterait à courir.

En outre, afin d’éviter le cumul avec d’autres indemnités, le fonctionnaire est dans l’obligation de déclarer toute autre somme perçue lui permettant de compenser les charges liées à son installation. Si c’est le cas, il devra la déduire du montant de l’indemnité d’installation.

Enfin, si un fonctionnaire, ayant droit à une allocation de foyer ne s’installe pas avec sa famille dans le lieu de son affectation, il ne percevra que la moitié de l’indemnité d’installation à laquelle il aurait normalement droit. La seconde moitié pourra lui être versée si sa famille s’installe au lieu de son affectation dans les trois ans.

Le législateur européen a prévu le paiement de l’indemnité d’installation également aux agents temporaires en partant de la prémisse que, même sans la sécurité de l’emploi du fonctionnaire titulaire, les agents temporaires dont la durée prévisible de travail est d’au moins un an, peuvent souhaiter s’intégrer à leur lieu d’affectation d’une façon permanente et durable. C’est dans le but de faire face aux frais résultant de l’effort consenti en vue d’une telle intégration que l’indemnité d’installation est versée, ne fût-ce que partiellement dans le cas d’une durée prévisible de travail inférieure à trois ans (Baniel-Kubinova e.a. / Parlement, F-131/07).

Quant à l’indemnité de réinstallation, il s’agit d’une indemnité versée à un fonctionnaire lorsqu’il cesse ses fonctions. La finalité de cette indemnité est de pallier aux charges que l’ancien fonctionnaire a dû supporter du fait du changement de sa résidence principale après la cessation définitive de ses fonctions.

De même que l’indemnité d’installation, elle est égale à deux mois de son traitement de base si le fonctionnaire a droit à l’allocation de foyer, et à un mois du traitement de base s’il n’a pas droit à cette allocation, sous réserve qu’il ait accompli quatre années de service et qu’il ne soit pas appelé à bénéficier d’une indemnité de même nature dans son nouvel emploi.

A l’instar de l’indemnité d’installation, lorsque les deux conjoints fonctionnaires ou agents ont tous les deux droit à l’indemnité de réinstallation, celle-ci ne sera versée qu’au conjoint dont le traitement de base est le plus élevé.

L’indemnité est versée sur la justification de la réinstallation du fonctionnaire dans une localité située à 70 km au moins du lieu de son affectation, dans les trois ans après la cessation de ses fonctions.

Afin de pouvoir bénéficier de cette indemnité, il faut qu’il y ait un transfert effectif de la résidence habituelle de l’intéressé au nouveau lieu indiqué comme étant celui de la réinstallation.

En ce qui concerne la charge de la preuve, il incombe au fonctionnaire d’établir, par toute voie de droit, qu’il a effectivement changé de résidence dans les trois ans qui ont suivi la cessation définitive de ses fonctions (W / Parlement, T-69/03).

Jurisprudence : Allocations familiales et enfants à charge

Dans un arrêt du 18 octobre 2023 (RN / EUIPO, T-606/22), le Tribunal de l’Union européenne rappelle certains principes liés au bénéfice des allocations familiales d’un enfant majeur au sens de l’article 2, paragraphe 3, sous b), de l’annexe VII du Statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

En l’espèce, le requérant a demandé à l‘EUIPO le versement de l’allocation de foyer, l’allocation pour enfants à charge et l’allocation scolaire de son enfant majeur, à la suite d’un jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile, selon lequel les parents doivent subvenir directement à l’entretien de leur enfant, pendant la période où ce dernier se trouverait avec chacun d’eux, sans pour autant soutenir que la garde de celui-ci soit partagée.

Dans un premier temps, il convient de rappeler que les allocations familiales sont composées d’une allocation de foyer, d’une allocation pour enfants à charge et d’une allocation scolaire.

Ces allocations, même si elles sont versées au fonctionnaire, elles ne sont pas destinées à l’entretien de ce dernier, mais à celui de ces enfants ou membres de la famille dont il a la charge. A cet égard, il importe d’établir qui entretient effectivement la personne pour laquelle ces allocations sont versées.

Concernant l’allocation de foyer, la juridiction rappelle que le fonctionnaire divorcé ou légalement séparé, ayant un ou plusieurs enfants à charge, a droit à l’allocation de foyer. Par dérogation, la présente allocation est versée, pour le compte et au nom du fonctionnaire, à l’autre parent si les enfants majeurs résident habituellement auprès de ce dernier et s’il en assure l’entretien. La jurisprudence a précisé que le caractère décisif pour accorder l’allocation de foyer est le fait d’assumer des charges supplémentaires tenant au fait que le fonctionnaire doit subvenir aux besoins des personnes à charge (Pavan / Parlement, T-147/95).

Quant aux allocations pour enfants à charge, elles peuvent être versées, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou d’autorités administratives, à la garde d’une autre personne, pour le compte et au nom du fonctionnaire. A l’instar de l’allocation de foyer, il faut se baser sur l’entretien effectif d’un enfant. Cette notion correspond à la prise en charge effective de tout ou partie des besoins essentiels de l’enfant, notamment en ce qui concerne le logement, la nourriture, l’habillement, l’éducation et les soins de santé. Ainsi, lorsqu’un fonctionnaire prend en charge de manière effective les besoins essentiels de l’enfant de son conjoint par exemple, il sera considéré comme entretenant effectivement cet enfant et, en conséquence, ayant celui-ci à sa charge (Meyer / Commission, F-90/14).

Enfin, un fonctionnaire peut également bénéficier d’une allocation scolaire pour chaque enfant à charge âgé de plus de cinq ans fréquentant un établissement scolaire ou universitaire payant. Conformément aux dispositions générales d’exécution relatives à l’octroi de cette allocation, les frais de scolarité recouvrent les frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement.

Afin de déterminer que le fonctionnaire prend en charge de manière effective l’entretien de son enfant, l’administration peut se baser sur différentes preuves, telles que les déclarations de l’enfant ou des parents, l’inscription d’un établissement scolaire, la preuve de paiement des frais scolaires de la part d’un parent etc.

En ce qui concerne un éventuel jugement d’une juridiction nationale statuant sur la résidence de l’enfant, en occurrence le jugement du Tribunal de Rome, celui-ci peut permettre à l’AIPN de verser l’allocation à la personne qui a la garde de l’enfant et qui entretient ce dernier. Toutefois, le juge rappelle qu’une décision de justice nationale ne peut statuer sur les modalités de versement de l’allocation de foyer des fonctionnaires. L’administration européenne ne peut procéder à un paiement en dehors des conditions prévues expressément par le Statut, qui a une portée générale et obligatoire dans tous les Etats membres.

Dans le cas d’espèce, le jugement de la juridiction italienne s’est borné uniquement à affirmer que l’enfant du requérant réside entre les deux parents, sans qu’ils aient une garde partagée, et qu’ils doivent l’entretenir directement. Au vu des différents éléments qui ont été portés à la connaissance de l‘EUIPO, l’AIPN a affirmé à juste titre que le parent ayant droit aux allocations familiales est celui où réside l’enfant et qui contribue principalement à ses différents frais, notamment ceux liés à sa scolarité.

Droit belge : La fraude au moyen de paiement : Phishing / Smishing / Vishing … Qui est reponsable de quoi ?

Le « phishing » ou « hameçonnage » est une forme d’escroquerie par courriel, SMS, Messenger, WhatsApp, etc. (on parle alors de « smishing » ou, lorsqu’il s’agit d’une messagerie vocale, de « vishing ») ou autre moyen de communication en ligne par laquelle des pirates informatiques tentent d’obtenir les données personnelles des internautes, en vue d’une utilisation frauduleuse de celles-ci.

Dans l’optique de protéger les consommateurs titulaires d’instruments de paiement (essentiellement les cartes bancaires et applications de paiement mobiles), notamment contre des utilisations abusives de ceux-ci, le législateur européen a élaboré différentes règles en vue de déterminer qui doit supporter les conséquences économiques d’un paiement opéré en conséquence des manœuvres frauduleuses de tiers.

Lorsque la sécurité d’un instrument de paiement paraît compromise, en cas de vol ou perte de carte, fuite de données liées à un compte ou à une carte, il incombe à l’utilisateur de l’instrument de paiement d’avertir sans délai sa banque, et CardStop au +32.78.170.170, afin de bloquer le moyen de paiement visé. Tout paiement qui interviendrait après cette notification du client à sa banque sera mis à charge de cette dernière. En revanche, pour toutes les opérations de paiement qui seraient intervenues avant cette notification, la prise en charge de ces montants, s’ils s’avèrent non récupérables auprès du bénéficiaire, est partagée à des degrés divers et à certaines conditions.

En ce qui concerne la répartition des conséquences économiques d’un détournement de carte, en règle générale, lorsqu’une opération de paiement est réputée « non-autorisée », celle-ci doit être remboursée par la banque au titulaire du compte, moyennant une franchise de 50,00 EUR, qui demeure à charge du client. Cette franchise serait réduite à zéro si le titulaire de l’instrument de paiement ne pouvait détecter la perte, le vol ou le détournement de ce dernier avant le paiement.
Cette règle connait quelques exceptions, la plus notable étant la « négligence grave » du titulaire de l’instrument de paiement. Dans ce cas, le client devra intégralement supporter sa perte, à charge de retrouver et de poursuivre l’auteur des faits dont il est victime, et de lui réclamer le remboursement de l’indu. La négligence grave a été retenue notamment dans certains cas, tels que l’utilisation d’un code pin partiellement identique au code de déverrouillage du téléphone, le choix d’un code secret qui est lié à la date de naissance du titulaire du compte ou le fait d’avoir noté ses codes sur la carte ou à proximité de celle-ci.

Notons à ce sujet que quelques débats existent sur la différenciation entre une opération de paiement « autorisée » (qui n’entraîne aucune indemnisation) et « non-autorisée » (qui entraîne l’application du régime vu ci-dessus). En droit des services de paiement, la notion d’autorisation n’a pas le sens usuel qu’on pourrait lui donner. En effet, une opération peut parfaitement être autorisée par le titulaire d’un instrument de paiement, alors même qu’il ignore qu’il paie en réalité des montants indéterminés à un fraudeur. Au sens de la loi, l’autorisation est donnée par le titulaire de l’instrument de paiement dès que ce dernier respecte la procédure de « signature numérique » convenue avec la banque.

Afin de renforcer davantage la protection du consommateur contre la fraude et de mieux appréhender la frontière entre les opérations autorisées et non-autorisées, les institutions européennes préparent de nouveaux instruments de droit européen sans pour autant que ces changements n’aboutissent à une responsabilité objective des banques dans tous les cas où un client contesterait une opération de paiement intervenue dans le respect de la procédure convenue entre ce dernier et sa banque.