The OFFICI@L – Nov-/Décembre 2023 – Numéro 89

The OFFICI@L – n° 89 – Nov-/Décembre 2023, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.

Édito

Chers lecteurs,

Le dernier numéro de cette année 2023 est consacré à un point d’actualité sur l’indemnité de dépaysement, ainsi qu’un commentaire d’un arrêt du Tribunal de l’UE concernant les droits à pension des assistants parlementaires.

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com

Nous vous souhaitons une très bonne lecture et d’excellentes fêtes de fin d’année !

L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit européen et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LUCIE MARCHAL – LAUREN BURGUIN – FEDERICO PATUELLI – LOUISE BOUCHET
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

en partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES:
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

FOCUS : L’indemnité de dépaysement

L’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge du fonctionnaire ou agent de l’UE. Elle est soumise à des critères spécifiques définis à l’article 69 et à l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’UE.

Conditions d’Éligibilité

L’article 4 de l’annexe VII du Statut énonce les critères d’admissibilité pour percevoir l’indemnité de dépaysement. Deux situations principales sont détaillées :

La première situation correspond aux fonctionnaires n’ayant pas la nationalité de l’État d’affectation : cette catégorie inclut ceux qui n’ont jamais eu la nationalité de l’État d’affectation et n’y ont pas résidé ou travaillé de manière habituelle pendant les cinq années précédant leur entrée en fonction (période de référence).

La deuxième situation porte sur les fonctionnaires ayant la nationalité de l’État d’affectation : ce groupe englobe ceux ayant eu la nationalité de l’État d’affectation mais ayant résidé en dehors de cet État pendant au moins dix ans avant leur prise de fonction, sans lien professionnel ou social significatif avec ledit État.

Les périodes de neutralisations

L’article 4 de l’annexe VII instaure une “règle de neutralisation”, excluant du calcul de la période de référence les périodes où les fonctionnaires ont travaillé pour d’autres États ou organisations internationales sur leur lieu d’affectation. La démonstration d’un lien juridique direct avec une organisation internationale ou un État tiers est requise pour exclure du calcul de la période de référence les périodes de travail effectuées pour ces entités.

Cependant, la simple condition d’un lien direct avec l’État ne suffit pas toujours. À titre d’exemple, la période pendant laquelle un juge national est détaché par son ministère pour travailler au sein d’une association internationale à but non lucratif basée en Belgique et fonctionnant de manière indépendante d’une représentation permanente, sans accorder de privilèges ou d’immunités, n’est pas considéré comme neutralisé (QB / Commission, C-88/22 P).

Actualité : l’approche du juge de l’Union

Les juridictions de l’Union se sont prononcées récemment à plusieurs reprises sur diverses problématiques liées à l’indemnité de dépaysement, illustrant les bouleversements dans l’organisation du travail de chacun.

Afin de déterminer l’éligibilité à l’indemnité de dépaysement d’un fonctionnaire, le juge de l’Union adopte une approche rigoureusement factuelle pour déterminer si le fonctionnaire résidait ou travaillait de manière habituelle sur ou en dehors du territoire de l’Etat d’affectation pendant toute la durée de la période de référence.

Cette approche est justifiée par l’objectif de l’indemnité de dépaysement.  Conformément à une jurisprudence constante, cette indemnité vise à compenser les charges et désavantages particuliers résultant de l’exercice de fonctions auprès de l’Union européenne pour les fonctionnaires qui sont, de ce fait, obligés de transférer leur résidence du pays de leur domicile au pays d’affectation et de s’intégrer dans un milieu nouveau, avec lequel ils n’avaient pas de lien durable avant leur entrée en fonction. Précisément, l’indemnité est attribuée à titre de compensation des dépenses matérielles et des inconvénients d’ordre moral résultant du fait que le fonctionnaire est éloigné de son lieu d’origine et qu’il maintient généralement des relations familiales avec sa région d’origine (PP e.a. / Parlement, T-39/21).

Ainsi, le Tribunal a examiné de près des aspects concrets pour déterminer la résidence habituelle du fonctionnaire ou agent recrutés et l’intention de résider dans l’État concerné pendant la période de référence. Par exemple, dans l’affaire T-39/21, où des fonctionnaires ont télétravaillé depuis un autre État membre pendant la pandémie de Covid-19, la Cour a minutieusement évalué la période de travail en dehors du lieu d’affectation ainsi que la continuité des charges financières supportées par les fonctionnaires sur le lieu d’affectation pour établir le maintien du droit à l’indemnité (PP e.a. / Parlement, T-39/21).

Dans une autre affaire, le Tribunal a considéré comme significatif le fait que le fonctionnaire vive avec sa famille, chacun s’engageant dans des activités correspondant à leur situation respective, possédant un compte bancaire dans un pays spécifique et recherchant un emploi dans ce même pays pour déterminer la localisation de la résidence habituelle. Cette approche met en lumière l’importance accordée aux faits concrets plutôt qu’aux liens avec un autre État (LF / Commission, T-466/20).

De la même manière, pour établir le lieu d’exercice principal de la personne concernée durant la période de référence, la Cour de justice a examiné l’accord entre l’employeur du fonctionnaire et une association internationale sans but lucratif de droit belge, où ce dernier a consacré une part significative de son temps de travail, a reçu une rémunération conséquente et des avantages en nature (QB / Commission, C-88/22 P), pour conclure que le lieu de travail principal du demandeur était dans l’État où il était affecté.

En conclusion, l’octroi de l’indemnité de dépaysement pour les fonctionnaires de l’UE repose sur une évaluation méticuleuse des faits entourant la résidence habituelle et l’intégration dans le pays d’affectation pour garantir une juste application des critères d’éligibilité.

Jurisprudence : droits à pension des assistants parlementaires

Dans un arrêt du 8 novembre 2023 (OA / Parlement européen, T-39/22), le Tribunal de l’Union européenne rappelle certains principes liés au calcul du droits à pension d’un assistant parlementaire aux termes de l’art. 77 du Statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

En l’espèce, le requérant a exercé la fonction d’assistant parlementaire entre 2004 et 2021, en vertu de différents contrats et en occupant un grade allant du niveau 4 à 18. En mars 2021, il a demandé au Parlement, sur base de l’art. 90 du Statut des fonctionnaires, de confirmer formellement certains éléments relatifs à sa pension, et notamment :

  1. L’indication exacte de l’âge de sa retraite ;
  2. La méthode de calcul de sa pension;
  3. La possibilité de prendre en compte la période d’exercice de la fonction d’assistant parlementaire prestée sur base d’un contrat de droit italien.

Suite au rejet de sa demande, le requérant a présenté une réclamation qui a conduit le Parlement à accepter la demande tendant à confirmer son âge de la retraite à 63 ans, tout en maintenant le rejet des demandes ultérieures.

Partant, le requérant a saisi le Tribunal de l’UE d’une action tendant notamment à obtenir l’annulation de la décision du Parlement à son égard et la réparation du dommage causé par les informations trompeuses fournies par le Parlement concernant le calcul de ses droits à pension.

En premier lieu, le Tribunal a confirmé la recevabilité de l’action en annulation dirigée par le requérant.  Cet aspect est d’intérêt en ce que la décision du Parlement, prise sur base de l’art. 90 du Statut, portait sur les droits à pension, qui sont « des droits virtuels […] en cours de formation quotidienne » , la mise à la retraite étant « un événement futur incertain ».

En effet, les évènements hypothétiques ne sont en principe pas susceptibles d’action en annulation. Cependant, quand bien même le montant définitif de la pension sera fixé ultérieurement, le Tribunal a considéré en l’espèce qu’une décision relative à la prise en compte d’un certain période de service et à la méthode de calcul de la pension détermine un impact immédiat sur le fonctionnaire concerné, qui est dès lors recevable à demander la fixation de ces éléments par les juges de l’Union.

En deuxième lieu, quant au fond, le Tribunal se penche en premier lieu sur la période de référence, et en second lieu sur le montant de référence des droits à pension.

Tout d’abord, le Tribunal exclut la prise en compte de la période de travail fourni entre 2004 et 2009 auprès d’un député européen sur base d’un contrat italien aux fins de la détermination des droits à pension. En effet, le requérant avait déjà demandé et obtenu le transfert vers le régime de pension des institutions de l’Union des droits à pension cumulés avec ses anciens employeurs en Italie.

Quant aux montants servant de base pour le calcul de la pension du requérant, aux termes de l’art 77 du Statut, le requérant demandait à ce que la moyenne des salaires perçus soit prise en considération pour calculer sa pension, et non son dernier salaire (le dernier poste que le requérant avait occupé pendant plus de 12 mois étant de grade 4 ), afin de refléter un lien de proportionnalité entre le montant de la pension et les cotisations sociales versées.

Le Tribunal a rejeté cet argument en rappelant le principe suivant : la pension est en général fondée sur le dernier salaire du fonctionnaire ou de l’agent et les droits à pension sont constitués sur la base du principe de solidarité et non pas en fonction des contributions effectivement payées au régime de pension.

En troisième lieu, le Tribunal rejette la demande du requérant tendant à la condamnation du Parlement au paiement de dommages et intérêts. En l’espèce, un préjudice dans le chef du requérant aurait résulté de la violation de la confiance légitime du requérant générée par le comportement du Parlement qui aurait diffusé des informations trompeuses sur son site concernant le calcul des droits à pension, lesquelles auraient été confirmées par l’unité « Pensions » compétente.

Or, selon le Tribunal, bien que les informations diffusées pouvaient être ambiguës, en l’espèce les informations fournies par le Parlement ne constituaient pas des « assurances précises, inconditionnelles et concordantes » capables de générer une confiance légitime dans le chef de son destinataire.