The OFFICI@L – n° 92 – Mars 2024, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.
Édito
Chers lecteurs,
Le numéro que vous avez entre les mains est consacré aux développements récents relatifs aux concours EPSO.
Dans notre rubrique « Droit belge », nous nous allons explorer le domaine du droit alimentaire pour analyser un régime qui vient d’être instauré et qui octroie des nouveaux pouvoirs à l’autorité nationale chargée de l’application de la législation (AFSCA).
La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com
Nous vous souhaitons une très bonne lecture !
L’équipe DALDEWOLF
DALDEWOLF
– Droit européen et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LUCIE MARCHAL – LAUREN BURGUIN – FEDERICO PATUELLI – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT
en partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES:
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ
FOCUS – Irrégularités des concours EPSO : conséquences et possibles remèdes
L’Office européen de sélection du personnel (« EPSO »), est un organisme interinstitutionnel de l’Union européenne qui est chargé de la sélection du personnel permanent et des agents contractuels.
Mission principale d’EPSO
La mission principale d’EPSO est de satisfaire les besoins de recrutement des institutions de l’UE en sélectionnant des candidats talentueux dans le cadre de concours généraux et spécialisés. Pour atteindre cet objectif, EPSO joue un rôle d’intermédiaire entre les institutions de l’UE et des diplômés et professionnels hautement qualifiés. Il contribue ainsi à la construction de la fonction publique européenne.
Trois principes clés devraient guider les actions d’EPSO: la précision, la souplesse et la rapidité des méthodes de sélection.
L’EPSO travaille sous la direction d’un conseil d’administration interinstitutionnel. Une feuille de route adoptée par celui-ci décline les objectifs de l’EPSO pour une période de cinq ans.
En exécution de son Plan d’Action Stratégique 2020-2024, EPSO a mis en œuvre son nouveau modèle de concours.
Généralisation des procédures en ligne
Les épreuves écrites et orales, telles qu’elles se déroulaient depuis 2010, cessent d’exister. Les procédures de sélections se déroulent à présent exclusivement en ligne et sont surveillées à distance.
Force est de constater que ce système a rapidement montré ses faiblesses.
En effet, différentes procédures de sélection à distance tenues en 2023 et 2024 ont dû être annulées et reportées en raison de problèmes techniques (voir numéro précédent « The Official – Février 2024, n° 91).
Ces décisions ont été prises au vu des anomalies constatées lors de la première phase de sélection, en particulier dans la mise en œuvre des tests surveillés à distance, y compris des dysfonctionnements techniques et des problèmes en matière de protection des données susceptibles de remettre en cause le niveau global de qualité attendu et le principe d’égalité de traitement applicable à tous les candidats et candidates participant au concours.
L’annulation : une procédure exceptionnelle aux conséquences lourdes
La décision d’annuler un concours est une mesure exceptionnelle prise par la directrice d’EPSO en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, en accord avec l’organe directeur d’EPSO, le conseil d’administration interinstitutionnel et dans le respect des principes de bonne administration, du principe de proportionnalité et de la confiance légitime des lauréats du concours.
Une décision portant annulation d’une procédure relative à la sélection du personnel peut engendrer différentes conséquences pour ce qui concerne :
- les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors de cette procédure ;
- les intérêts des autres candidats ;
- la confiance légitime des candidats déjà sélectionnés dans l’administration en question ;
- l’organisation des institutions en ce que les listes de réserves ne sont pas fournies par des réserves de lauréats à travers l’organisation de concours généraux – dès lors EPSO n’est pas en mesure d’assurer une capacité opérationnelle optimale et ne répond plus à sa mission principale de formation des listes de réserve ;
- la favorisation des concours internes créant une voie d’accès privilégiée à la fonction publique européenne à certains fonctionnaires ou agents en dépit de tous les principes de la fonction publique européenne : transparence, anonymat des épreuves, égalité des chances, et également au détriment de tous les autres candidats potentiels exclus de ces concours.
Les recours
Les recours éventuels sont de trois ordres :
- le recours administratif (Article 90 du Statut) : l’agent ou le fonctionnaire concerné peut saisir l’autorité concernée (AIPN ou AHCC) de ses griefs, par la voie d’une demande et/ou d’une réclamation formelle au sens de l’article 90 du Statut ;
- la plainte auprès du Médiateur européen pour faire valoir ses droits, afin d’obtenir la résolution relativement rapide et accessible des problèmes rencontrés dans le cadre de procédure de sélection encadrée par EPSO. Cette plainte doit obligatoirement avoir été précédée par une demande et/ou une réclamation formelle au sens de l’article 90 du Statut.
- et enfin, la procédure judiciaire devant les juridictions européennes.
Il faut signaler ici que la plainte auprès du Médiateur européen ne suspend pas les délais de recours administratif ou judiciaire.
Jurisprudence – Arrêt EO/Commission du 20 mars 2024 (T‑623/18) –Irrégularités des concours EPSO : Conséquence pour un candidat de l’annulation d’un avis de concours
L’arrêt commenté clôture la saga relative au choix des langues dans les procédures de sélection EPSO. Dans les épisodes précédents, la limitation du choix de la deuxième langue à l’anglais, le français ou l’allemand dans certains concours avait été définitivement censurée (Commission/Italie et Espagne, C-635/20 P) en raison d’un défaut de motivation de la part de la Commission.
Le 13 octobre 2018, une candidate à un concours organisé par l’EPSO a introduit un recours en annulation contre la décision du jury de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve, ainsi que contre la décision de rejeter la demande de réexamen de cette décision. Au support de son recours, la requérante considérait notamment que la limitation de la deuxième langue à l’allemand, à l’anglais ou au français constituait une inégalité de traitement.
Entretemps, en 2020, dans le cadre de l’affaire parallèle Commission/Italie et Espagne, le Tribunal a annulé l’avis relatif à ce même concours (affaire T-401/16, confirmé par la Cour dans l’affaire C‑635/20 P). Dans l’arrêt du 20 mars 2024, le Tribunal a été invité à évaluer les implications de cette annulation sur la position juridique de la requérante.
La première implication de l’annulation de l’avis de concours concerne l’intérêt de la requérante à introduire une action en justice. Quel serait l’intérêt de la requérante à contester une décision prise à la suite d’un concours dont l’avis a été annulé et est donc considéré comme inexistant ?
S’agissant de l’intérêt à agir de la requérante, le Tribunal observe que si l’avis de concours avait bien été annulé avec effet rétroactif, la liste de réserve et la décision de ne pas y inscrire le nom de la requérante persistaient dans l’ordre juridique (§§ 36-40). Par conséquent, même si l’annulation de la décision litigieuse n’impliquait pas directement son recrutement, la requérante pouvait néanmoins légitimement espérer de la Commission une invitation à repasser les épreuves du centre d’évaluation en cas de succès de son recours (§ 48).
Par ailleurs, selon le Tribunal, l’annulation de l’avis de concours entraîne forcément l’annulation de la décision de ne pas inscrire la requérante sur la liste de réserve. En effet, la limitation du choix de la deuxième langue avait affecté l’ensemble de la procédure, y compris les épreuves du centre d’évaluation, qui devaient être effectuées en allemand, en anglais ou en français (§§ 57-60).
Dès lors, quel sort convenait-il de réserver à la liste de réserve résultant de la procédure de sélection en conséquence de l’annulation de l’avis du concours et de la décision de ne pas inscrire la requérante sur la liste de réserve ?
Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu d’annuler ces résultats (§§ 68-69). En effet, afin de remédier aux illégalités affectant le concours en question, la Commission était tenue de concilier la nécessité de rétablir la partie requérante lésée dans ses droits, la situation des tiers et l’intérêt du service (§§ 64-65). Pour ce faire, elle pouvait légitimement prendre en considération le grand nombre de personnes concernées par la procédure de sélection en question, ainsi que le long délai écoulé depuis la publication de la liste de réserve (§ 68).
Ainsi, le Tribunal n’a pas décidé d’annuler la liste de réserve et s’est contenté de condamner la Commission à compenser le dommage causé à la requérante (§ 75).
Cependant, d’une part, le Tribunal exclut une compensation pour la perte d’une opportunité dans le chef de la requérante en raison de l’absence d’arguments indiquant que, supposant que son nom eût été inscrit sur la liste de réserve, un emploi correspondant à son profil aurait été à pourvoir (§§76-80). D’autre part, le préjudice matériel consistant en l’argent dépensé dans la préparation du concours n’était pas, selon le Tribunal, étayé par la requérante à l’appui d’éléments probants (§§ 81-82).
Par conséquent, seul est retenu par le Tribunal le dommage moral résultant d’une perte de temps aux fins de la préparation du concours et du stress lié à ce dernier et aux répercussions négatives sur la santé et sur la vie personnelle de la requérante à cause des procédures judiciaires entamées (§§ 83-84). Compte tenu de l’annulation de la décision litigieuse, le montant d’un tel préjudice est fixé ex aequo et bono à € 6 000.
Finalement, l’annulation de la décision litigieuse par le Tribunal plus de 5 ans après l’introduction du recours n’aurait comporté qu’un maigre résultat pour la requérante en termes de compensation financière. Cependant, le jugement du Tribunal laisse entendre que la présentation des éléments probants évoqués ci-dessus aurait permis d’atteindre un montant plus élevé à titre de compensation, notamment concernant le préjudice matériel lié à la perte d’une opportunité.
Droit belge– Sécurité alimentaire : renforcement des sanctions pour les infractions des exploitants
par Aude Mahy(*)
Depuis le 1er janvier 2024, un système plus strict de sanctions administratives confère à l’Agence fédérale belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) des pouvoirs coercitifs accrus à l’égard des exploitants du secteur alimentaire.
Le nouveau régime introduit plusieurs changements dans l’application de la législation alimentaire en Belgique et augmente considérablement le montant des amendes administratives qui peuvent à présent être imposées par l’AFSCA. Auparavant, le plafond des amendes administratives était de 40 000 euros , et elles pouvaient seulement être proposées par l’FASCA et non imposées. Désormais, elles peuvent atteindre 240 000 euros, en fonction de l’infraction en question. Cela signifie qu’un opérateur du secteur alimentaire qui ne respecte pas la réglementation en matière de sécurité alimentaire pourrait se voir infliger une sanction financière beaucoup plus élevée qu’auparavant.
Ainsi, le nouveau système de sanctions pour les infractions à la législation alimentaire européenne et belge a fondamentalement modifié le rôle de l’AFSCA. Auparavant, l’autorité de l’AFSCA était principalement basée sur son rôle de police sanitaire, qui consistait à enquêter et à identifier les infractions à la législation alimentaire et à prendre les mesures nécessaires pour empêcher la mise sur le marché de produits alimentaires dangereux. Cependant, elle n’avait pas le pouvoir d’imposer des sanctions.
Désormais, l’AFSCA a le pouvoir d’imposer directement des amendes administratives, dont le plafond est considérablement augmenté pour s’aligner sur les amendes pénales. Le droit d’être entendu n’est désormais applicable que lorsque l’AFSCA envisage d’infliger une amende administrative. Les recours contre la décision de l’AFSCA doivent désormais être introduits devant la section civile du tribunal de première instance de Bruxelles.
L’avenir dira si l’AFSCA utilisera ou non ses nouveaux pouvoirs avec modération. Cela influencera sans doute le nombre et la complexité des recours introduits contre ces amendes. Cependant, les premières décisions dans ce domaine ne verront pas le jour avant de nombreux mois, voire des années, compte tenu de l’arriéré judiciaire existant à ce jour. Heureusement pour les opérateurs, ces recours ont un effet suspensif sur le paiement des amendes.
Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez le guide disponible à cette adresse.
(*) Aude Mahy est vocate au barreau de Bruxelles, associée chez DALDEWOLF et responsable du département de droit alimentaire au sein du cabinet.