THE OFFICI@L – mai 2025 – Numéro 102

The OFFICI@L – n° 102 – mai 2025, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.

Editorial

Chers lecteurs,     

Nous nous proposons dans ce numéro de nous intéresser aux exercices de promotion et d’évaluation.

Nous nous intéresserons ainsi à l’arrêt Colombani/SEAE en matière d’obligation d’impartialité des évaluateurs dans le cadre des rapports d’évaluation.  

Dans notre rubrique « Droit belge », nous aborderons les nouvelles règles du Code bruxellois du logement et plus précisément à l’interdiction de prévoir un loyer abusif dans le chef du bailleur.  

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com.       

L’équipe DALDEWOLF   

DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LAURA JAKOBS – LUCIE MARCHAL – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO – FEDERICO PATUELLI
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

 

En partenariant avec le cabinet PERSPECTIVES :
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

Focus – L’exercice de promotion

L’accès à la promotion n’est pas automatique. Il s’effectue sur décision de l’AIPN après un examen comparatif des mérites des candidats.   

Les conditions pour être éligible à une promotion

L’article 45 du Statut prévoit que pour être éligible à une promotion, les fonctionnaires doivent remplir deux conditions :  

  • Avoir au minimum deux ans d’ancienneté dans leur grade. A cet égard, les juridictions de l’UE ont précisé que ces deux années d’ancienneté doivent avoir été atteintes au jour de la date à laquelle la décision de promotion s’effectue (arrêt du 9 juin 2015, F-65/14, point 27) et que l’ancienneté en tant qu’agent temporaire n’est pas prise en compte (arrêt du 5 juillet 2023, T-223/21, points 112 et 113).
  • Avoir la capacité à travailler dans une troisième langue parmi les langues de l’UE.

Liste de propositions de promotion

L’article 45 du Statut prévoit que l’AIPN effectue un examen comparatif des mérites entre les différents candidats à la promotion, et exige que soient pris en considération a minima 

  1. Les rapports de notation dont les fonctionnaires ont fait l’objet (depuis leur dernière promotion s’ils ont déjà été promus) ;
  2. L’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie ;
  3. Le niveau des responsabilités exercées.

L’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour comparer les mérites entre les candidats (arrêt du 23 octobre 2024, T-34/24, point 88). Le Tribunal de l’UE considère qu’à cette fin l’examen des mérites doit toutefois être effectué avec soin et impartialité, sur base d’informations comparables, dans l’intérêt du service et dans le respect du principe d’égalité de traitement (arrêt du 6 novembre 2024, T-315/23, point 31).  

Enfin, il convient de rappeler que le Statut ne confère pas de droit à la promotion même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour être promus (arrêt du 9 juin 2021, T-453/20, point 47). Ainsi, le fait qu’un fonctionnaire ait des mérites évidents et reconnus n’exclut pas, dans le cadre de l’examen comparatif des candidats à la promotion, que d’autres fonctionnaires aient des mérites égaux ou supérieurs. 

La procédure

Le Statut ne détaille pas la procédure à suivre pour organiser l’examen comparatif des mérites. En pratique, les institutions de l’UE ont chacune adopté des dispositions générales d’exécution (DGE) pour organiser la procédure. Tant le Conseil que le Parlement et la Commission ont prévu la mise en place d’organes consultatifs de promotion composés de membres désignés par l’AIPN et par le Comité du Personnel. Ces organes assistent l’AIPN et émettent des recommandations. Lorsque l’AIPN finalise la liste des propositions, elle est tenue de prendre en compte ces recommandations sans toutefois y être liée. En effet, l’AIPN procède à son propre examen comparatif des mérites et assume seule de la responsabilité des décisions de promotion (arrêt du 6 novembre 2024, T-315/23, point 79). Si dans son appréciation elle ne suit pas lesdites recommandations, elle doit en motiver la raison, ce qui peut se limiter à l’examen comparatif des mérites auquel elle a procédé elle-même (arrêt du 30 janvier 1992, T-25/90, point 29 et arrêt du 6 novembre 2024, T-315/23, point 80).

Les recommandations et discussions se font dans le cadre d’un exercice de cohérence entre fonctionnaires du même grade à travers les institutions, questionnant l’ancienneté dans le grade, le mérite, les responsabilités, ainsi que d’autres éléments objectifs tels que la mobilité.   

Publication des décisions de promotion

Les propositions des promotions sont publiées par l’AIPN.  

La promotion d’un fonctionnaire entraîne pour ce dernier la nomination au grade immédiatement supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Les promotions ont effet au 1er janvier de l’année en cours. Elles sont prises en compte sur la fiche de salaire avant la fin de l’année en cours avec effet rétroactif. 

Au stade de la publication de la liste des fonctionnaires promus, l’AIPN n’est pas tenue de motiver une décision de promotion/non-promotion (arrêt du 15 septembre 2016, T-410/15 P, point 79). Ainsi, le fonctionnaire devra introduire une réclamation dans le but de connaître formellement la motivation de l’AIPN (arrêt du 20 septembre 2023, T-293/22, point 215).  

Réclamation au titre de l’article 90§2 contre la non-promotion

Dans le cas où le nom d’un fonctionnaire n’apparait pas sur la liste adoptée par l’AIPN, il est possible, d’introduire une réclamation comme le prévoit l’article 90§2 du Statut dans un délai de trois mois après la publication des listes de promotion. 

Cette réclamation ne consiste pas en une demande d’un nouvel examen comparatif des mérites mais se bornera notamment à vérifier que toutes les règles de procédure ont bien été suivies et qu’aucune erreur manifeste n’a été commise. 

Recours devant le Tribunal

En cas d’échec de la réclamation article 90§2, il y a toujours la possibilité d’introduire une requête auprès du Tribunal de l’Union européenne. Il convient de bien faire attention au fait que les moyens développés dans un recours doivent déjà avoir été invoqués dans le texte de la réclamation article 90§2.  Cette option requiert l’intervention et l’expertise d’un avocat. 

Jurisprudence – L’arrêt Colombani/SEAE : les rapports d’évaluation et l’obligation d’impartialité 

Le 4 décembre 2024, le Tribunal de l’UE a rendu son arrêt dans l’affaire T-158/23 (Colombani / SEAE), annulant le rapport d’évaluation établi à l’égard d’un fonctionnaire pour l’année 2021.  

Contexte de l’affaire

En février 2021, le fonctionnaire avait introduit une demande d’assistance fondée sur l’article 24 du Statut en raison de faits allégués de harcèlement moral à son égard, qu’il imputait notamment à son supérieur hiérarchique immédiat. En juillet, le SEAE avait décidé d’ouvrir une enquête administrative envers ce dernier. 

L’exercice d’évaluation annuel du fonctionnaire avait été ouvert en février 2022. Avant la tenue du dialogue relatif à cet exercice, le fonctionnaire avait soulevé des doutes quant à l’impartialité de son supérieur hiérarchique immédiat, visé par sa demande d’assistance et l’enquête administrative résultant de celle-ci, pour mener son exercice d’évaluation. Malgré cela, le dialogue relatif à son exercice d’évaluation avait effectivement eu lieu avec son supérieur hiérarchique immédiat. 

À l’issu de cet exercice, l’évaluateur avait identifié un manquement dans le chef du fonctionnaire, en relation à son rendement. Le fonctionnaire avait fait appel à son évaluation, mettant en doute l’impartialité de son supérieur hiérarchique immédiat en sa qualité d’évaluateur. Ce rapport d’évaluation avait néanmoins été confirmé par l’évaluateur d’appel. 

Les violations relevées

Le Tribunal a prononcé l’annulation du rapport d’évaluation du fonctionnaire en application du devoir d’impartialité s’imposant aux institutions en vertu de l’art. 11 du Statut et 41§1 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. 

Le Tribunal a considéré que le SEAE, en décidant d’ouvrir, à la suite de sa demande d’assistance, une enquête administrative à l’encontre du supérieur hiérarchique du fonctionnaire, a reconnu l’existence de doutes légitimes de préjugés dans le chef du supérieur hiérarchique du fonctionnaire, en qualité d’évaluateur. 

Le Tribunal a donc conclu que le SEAE avait manqué à son obligation d’impartialité objective, étant noté qu’il suffit à cette fin qu’un doute légitime d’impartialité existe et ne puisse pas être dissipé. 

Ce faisant, le SEAE a privé le fonctionnaire de la possibilité d’être évalué dans le respect de garanties suffisantes quant à l’impartialité objective de l’évaluateur et, ainsi, obtenir une meilleure évaluation. 

Conclusion

L’administration est tenue d’assurer non seulement que l’évaluateur soit impartial, mais qu’il ne puisse pas y avoir un doute légitime à cet égard.

Droit belge – Code du logement bruxellois : nouvelles règles concernant les loyers abusifs depuis le 1er mai 2025

L’ordonnance du 28 octobre 2021 a modifié le Code bruxellois du logement. Elle a inséré des dispositions qui instaurent une commission paritaire locative (ci-après « CPL ») et visent à lutter contre les loyers abusifs, afin d’enrayer, selon le législateur bruxellois, la crise du logement en cours dans la Région. Certaines dispositions de cette ordonnance n’étaient pas encore entrées en vigueur, c’est désormais chose faite puisque l’ordonnance du 10 avril 2025 a fixé l’entrée en vigueur desdites dispositions au 1er mai 2025. Concrètement, le bailleur ne peut plus proposer de loyers abusifs et à défaut, le preneur peut solliciter une révision du loyer. Le présent article analyse la notion de loyer abusif (I) et détaille la procédure de révision en cas de loyer abusif (II).

La notion de loyer abusif

L’article 224 du Code bruxellois du logement définit la notion de loyer abusif au moyen d’une double présomption. Cette double présomption est analysée au regard d’une grille des loyers de référence.

La grille des loyers de référence est un outil mis en ligne par les autorités bruxelloises (À propos des loyers de référence – loyers.brussels) permettant à chacun d’estimer la valeur du loyer de référence pour le bien immobilier en fonction de divers critères notamment la superficie, le nombre de chambre, la localisation du bien, son année de construction, … Le loyer de référence pour le bien doit être indiqué dans le contrat de bail en plus du loyer réellement pratiqué.

Un loyer est présumé abusif lorsqu’il dépasse de 20 pour cent le loyer de référence pour le bien immobilier en question. Cette présomption est toutefois réfragable, c’est-à-dire que le bailleur dispose de la possibilité de justifier un écart substantiel supérieur au loyer de référence par divers éléments non pris en compte dans le calcul du loyer de référence et qui justifient cet écart par rapport au loyer de référence. À titre d’exemple, le calcul du loyer de référence ne prend pas en compte l’existence ou non d’une terrasse ou d’un balcon pour un appartement ni celle d’un espace bureau, divers aménagement luxueux peuvent également permettre de rehausser le prix du loyer par rapport au loyer de référence.

Un loyer est également présumé abusif s’il ne dépasse pas de 20 pour cent le loyer de référence mais que le bien accuse des défauts de qualité substantiels intrinsèques au logement et à son environnement, pour autant que ces défauts ne soient pas imputables au locataire. À titre d’exemples, sont des défauts de qualité substantiels intrinsèques l’absence de compteurs électriques individualisés, l’absence de parlophone pour un bien situé à l’étage, l’absence d’ascenseur. Ces défauts ne doivent toutefois pas être pris en compte dans le calcul du loyer de référence pour constituer un caractère abusif.

La procédure de révision du loyer abusif

L’article 224/1 du Code étant désormais en vigueur, le bailleur ne peut plus proposer de loyer abusif et à défaut le preneur peut en demander la révision. Cet article s’applique à tous les baux qu’ils soient conclus après le 1er mai 2025 ou déjà signé. Cette révision peut avoir lieu de plusieurs manières.

Toutefois, la révision du loyer abusif ne peut être initiée avant une durée de prise de cours du contrat de bail. Ainsi pour les baux conclus pour une durée allant de 1 an à 3 ans, la révision ne peut être demandée durant les deux premiers mois du contrat, pour les baux de neuf ans, elle ne peut être demandée durant les trois premiers mois.

Premièrement, la révision du loyer abusif peut être opérée à l’amiable par accord entre le bailleur et le locataire. Cet accord remplace le montant du loyer par le nouveau montant convenu et peut prévoir une rétrocession du « trop perçu » par le bailleur.

Deuxièmement, à défaut d’accord, chacune des parties (ou une personne mandatée par elle à cet effet) peut saisir la CPL pour obtenir un avis sur la demande en révision. La CPL est un organe paritaire entre représentant des bailleurs et des locataires qui rend des avis motivés sur l’évaluation du loyer. Le recours à la CPL est gratuit et le locataire qui la saisit dispose d’un sursis protecteur de trois mois à dater du lendemain de la saisine contre le congé de résiliation de bail notifié par le bailleur, le congé prend alors cours à l’expiration de ce délai de trois mois. Les avis motivés sont non contraignants.

Si la CPL conclut à un loyer abusif, elle invite les parties à une conciliation pour essayer d’arriver à un accord entre elles quant à la révision du loyer. Lorsque la conciliation aboutit, le loyer convenu remplace celui prévu par le contrat de bail.

Troisièmement, une partie peut demander la révision du loyer en justice. Le recours préalable à la CPL n’est pas obligatoire, toutefois le juge peut demander un avis non contraignant à la CPL sur la question destinée à éclairer le juge. Le juge compétent est le juge de paix.

Le loyer révisé entre en vigueur au premier jour du mois qui suit la saisine soit de la CPL soit du juge en fonction de la procédure initiée.

Conclusion

En conclusion, il faut désormais évaluer le loyer de référence du bien mis en location et comparer ce dernier au loyer réel pratiqué pour évaluer le caractère abusif du loyer réel. Il est conseillé aux bailleurs d’inscrire dans le contrat de bail les éléments qui justifient la différence entre le loyer de référence et le loyer réel. Cette mention permettra d’évaluer objectivement le caractère abusif ou non du loyer.

La révision du loyer abusif aura lieu soit par accord amiable, soit par conciliation après avis de la CPL, soit par décision du juge.