The OFFICI@L – n° 99 – janvier 2025, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.
Édito
Chers lecteurs,
Bienvenue dans ce premier numéro de l’année 2025 !
Nous espérons que vous avez passé de très belles fêtes de fin d’année. Toute l’équipe vous adresse ses meilleurs vœux pour une année 2025 heureuse et riche en réussites, tant sur le plan professionnel que personnel.
Le présent numéro est consacré aux transferts des droits à pension, ainsi qu’à un arrêt récent du Tribunal de l’UE concernant la continuité du droit à l’indemnité de dépaysement des agents lorsqu’ils changent d’employeur au sein de l’administration européenne.
Dans notre rubrique « Droit belge », nous aborderons la séparation géographique des parents et de l’expatriation de l’enfant.
La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com
Nous vous souhaitons une joyeuse année !
L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LAURA JAKOBS – LUCIE MARCHAL – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO – FEDERICO PATUELLI
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT
En partenariant avec le cabinet PERSPECTIVES :
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ
Focus – Droit à Pension des Fonctionnaires de l’Union Européenne : les bons réflexes à adopter !
Conformément à l’article 77 du Statut et selon les modalités prévues à l’Annexe VIII du Statut, un fonctionnaire peut prétendre à une pension d’ancienneté après avoir accompli au moins dix années de service au sein des Institutions européennes.
- Calcul du Droit à Pension
Le montant maximal de la pension d’ancienneté est fixé à 70 % du dernier traitement de base du fonctionnaire, calculé sur la base du dernier grade dans lequel il a été classé pendant au moins un an. Pour chaque année de service, le fonctionnaire entré en fonction après 2014 acquiert 1,80 % de ce traitement.
En outre, la pension ne peut pas être inférieure à 4 % du minimum vital par année de service. Ce minimum vital est équivalent au traitement de base du fonctionnaire de grade AST 1.1.
Lorsqu’un agent ou fonctionnaire souhaite transférer ses droits à pension acquis au niveau national vers le régime de pension de l’Union européenne, les États membres déterminent le montant transférable. Ce montant est ensuite converti en annuités par l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels (« PMO »). Si le fonctionnaire accepte ce calcul, les droits à pension correspondants sont transférés au régime de l’UE.
- Vérification des Transferts de Droits à Pension
Si vous avez cotisé à un régime de pension national avant de rejoindre les institutions de l’UE, il est possible de transférer vos droits vers le régime de pension de l’UE. Toutefois, dans certains cas, ce transfert peut ne pas modifier positivement le montant final de la pension UE, ou seulement très légèrement, notamment si celle-ci est fixée au minimum vital. Dans cette situation, il peut être plus avantageux de conserver une pension nationale en parallèle de la pension européenne.
Pour aider les fonctionnaires dans cette démarche, la Commission européenne met à disposition une « calculette », accessible via My Intracomm, permettant de simuler l’impact des transferts de droits à pension. Cet outil permet de déterminer si le transfert des droits à pension nationaux améliore effectivement la pension européenne. Dans certains cas, un transfert peut ne pas modifier le montant de la pension. Il est donc important de bien se renseigner avant d’effectuer une telle démarche, car elle n’est pas réversible.
- L’Enrichissement Sans Cause : Limites Jurisprudentielles
Dans l’arrêt Barroso Truta e.a. / Cour de justice (T-702/16 P), le Tribunal semblait avoir suggéré qu’un fonctionnaire pourrait invoquer l’enrichissement sans cause à l’encontre de son employeur, l’Union européenne, si le transfert de ses droits à pension nationaux n’améliorait pas sa pension dans le régime de l’UE. Cependant, dans les arrêts plus récents PT/Commission (T-788/22), KY/Cour de justice de l’Union européenne (C-100/22 P) et OS/Commission (T-171/22), les juridictions européennes ont clarifié l’interprétation à donner à cette jurisprudence. Il a notamment précisé que pour qu’un enrichissement sans cause soit retenu, il doit être prouvé qu’il n’existe aucune base légale pour cet enrichissement, et que le fonctionnaire a subi un préjudice.
Dans ces affaires, le Tribunal a jugé que la pension des requérants avait été calculée conformément aux règles statutaires du régime de pension de l’UE. Le Tribunal a aussi rappelé que les fonctionnaires et les agents ne sont pas « titulaires » des sommes correspondant à leur contribution financière au régime de pension de l’UE, basé sur le principe de solidarité entre les fonctionnaires. En conséquence, il a conclu que l’enrichissement éventuel de la Commission avait une base légale, rendant impossible la qualification d’un enrichissement sans cause.
Ainsi, les recours fondés sur l’enrichissement sans cause sont désormais considérés comme présentant peu de chances de succès pour un fonctionnaire cherchant à contester le calcul de sa pension.
- Démarches à Suivre
Avant d’effectuer tout transfert de droits à pension, il est donc important de :
- Utiliser la « calculette » mise à disposition pour simuler l’impact du transfert sur votre pension.
- Vérifier si le transfert de vos droits à pension nationaux entraînera une amélioration réelle du montant de votre pension ou si cela n’aura aucun effet.
- Consulter l’administration pour toute question et demander des informations détaillées sur les règles applicables à votre situation, avant de prendre une décision quant à l’opportunité d’un transfert.
En adoptant ces bonnes pratiques, vous pourrez optimiser votre pension et prendre des décisions éclairées concernant vos droits à la retraite dans les institutions de l’UE.
Jurisprudence – Le Tribunal annule le refus du PMO d’accorder l’indemnité de dépaysement en raison de la continuité des contrats.
Dans son arrêt AH / Commission (T-1093/23) du 22 janvier 2025, le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision du PMO qui avait refusé l’indemnité de dépaysement à un agent contractuel.
Le requérant, ressortissant italien résidant à Bruxelles depuis mai 2017, a été recruté comme agent contractuel au Comité des régions (CdR), à Bruxelles, à compter du 1er octobre 2022. Il a, à ce titre, bénéficié de l’indemnité de dépaysement prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du Statut. Le secrétariat général du Conseil (SGC) lui ayant offert une autre opportunité de travail, le requérant a mis fin à ses fonctions au CdR le 31 janvier 2023 et est entré en fonction dès le lendemain, le 1er février 2023, au SGC, aussi à Bruxelles. Lors de la fixation des droits pécuniaires liés à son entrée en fonction au SGC, le PMO a recalculé l’entièreté de ses droits à la date du 1er février 2023 et a refusé d’accorder au requérant l’indemnité de dépaysement.
Le requérant a contesté cette décision.
Selon le requérant, la période de référence pour déterminer son droit à l’indemnité de dépaysement devait être calculée à partir de son entrée en poste auprès du CdR, en octobre 2022. En l’absence d’interruption entre ses deux contrats et de changement d’État d’affectation (la Belgique), il ne devait pas y avoir de nouvelle évaluation de son droit à l’indemnité à la date de sa prise de fonction au SGC, celle-ci devant être automatiquement reconduite.
A l’inverse, la Commission (PMO) soutenait que, selon la jurisprudence, et bien qu’il n’y ait pas eu d’interruption entre les deux contrats, chaque nouvel engagement au sein de l’Union européenne devait donner lieu à une nouvelle évaluation du droit à l’indemnité de dépaysement, en raison du changement d’employeur.
Le Tribunal a donné raison au requérant.
Le Tribunal a, en premier lieu, souligné que l’indemnité de dépaysement vise à compenser les charges liées au transfert de résidence d’un État membre à un autre. En l’espèce, bien que le requérant ait changé d’employeur au sein de l’Union, son État d’affectation est resté inchangé, sans la moindre interruption entre les contrats.
Le Tribunal a, en deuxième lieu, considéré qu’à l’inverse des autres cas de jurisprudence cités par la Commission, où une interruption temporelle entre les contrats ou un changement d’État d’affectation avait pu justifier une réévaluation des droits à l’indemnité de dépaysement, la présente affaire ne le justifiait pas. En effet, dans le cas présent, il n’y a pas eu d’interruption entre les deux contrats et aucun changement dans l’État d’affectation (la Belgique).
Le Tribunal a, en outre, noté que l’approche adoptée par le PMO n’était pas systématiquement suivie par d’autres Institutions et agences de l’Union. Ainsi, dans certaines Institutions de l’Union, lorsque les contrats avec l’Union se succèdent sans interruption et que l’État d’affectation reste inchangé, le changement d’employeur n’affecte pas le droit à l’indemnité de dépaysement. Dans ces cas, il n’est pas nécessaire de procéder à une nouvelle évaluation du droit à l’indemnité, mais il convient de reconduire les droits fixés par l’employeur précédent, sauf si une erreur manifeste a été commise dans la première détermination.
Au vu de ces éléments, le Tribunal a estimé que, en l’absence d’interruption temporelle entre les contrats du requérant et l’absence de changement de l’Etat d’affectation, il existait une continuité entre les contrats du requérant justifiant la reconduction de son droit à l’indemnité de dépaysement, tel que déterminé lors de son entrée en fonction auprès du CdR.. Par conséquent, le Tribunal a annulé la décision de la Commission et, en vertu de sa compétence de pleine juridiction, a déclaré que le requérant a droit à l’indemnité de dépaysement, qui devra donc lui être versée rétroactivement, à compter de son entrée en fonction au SGC.
Droit belge – Eloignement géographique de parents séparés et expatriation de l’enfant
Dans un monde où les couples transnationaux sont légion, le principe de la libre circulation et la globalisation encouragent – ou à tout le moins permettent – les couples parentaux à s’établir, au cours de leur vie, dans différents états, membres de l’Union Européenne ou non.
Dans l’hypothèse de parents séparés, lorsque l’un d’entre eux entend s’expatrier dans un autre pays, il leur appartient de déterminer le lieu de résidence de leur(s) enfant(s) et le sort de l’hébergement. En cas de désaccord, c’est au Tribunal de la famille qu’incombera la tâche de trancher ces questions.
Ces litiges sont complexes et nécessitent de s’en remettre à l’autorité d’un tiers pour déterminer le projet « le plus adéquat » pour l’enfant et ce, alors même qu’il s’agit d’une décision éminemment personnelle et subjective.
Pour l’accompagner dans sa prise de décision, la loi, la jurisprudence et la doctrine ont, au fil du temps, dégagé différents critères devant guider l’appréciation du Juge, laquelle est nécessairement casuistique :
- L’intérêt supérieur de l’enfant – première et fondamentale exigence encadrant la réflexion
Lorsqu’il est saisi des modalités d’hébergement d’un enfant, le Juge devra prioritairement tenir compte de son intérêt supérieur, ce conformément à l’article 22bis, alinéa 4 de la Constitution. Cette notion d’intérêt supérieur s’examine sous l’égide des droits de l’enfant et, notamment du droit à être éduqué par ses deux parents et d’entretenir une relation avec chacun d’eux (Articles 7.1 et 9.3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant).
Ce droit constitue la pierre angulaire du débat relatif à l’expatriation d’un enfant et, souvent, l’argument majeur du parent qui s’oppose au départ de l’enfant dans un contexte où l’éloignement géographique des parents ne permet pas un hébergement égalitaire ou élargi dans chaque milieu parental.
Il n’en demeure pas moins théorique et ne peut, à lui seul, impliquer une règle absolue ou un refus systématique d’un projet d’expatriation.
De ce fait, il convient d’examiner également tous les éléments pertinents d’une situation familiale pour déterminer ce qui relève, ou non, de l’intérêt de l’enfant.
- Les critères permettant d’analyser, in concreto, l’intérêt de l’enfant et la pertinence du projet d’expatriation
Dans le cadre d’une demande ayant pour conséquence l’éloignement géographique de l’enfant de son lieu de vie habituel, la doctrine – s’inspirant des décisions jurisprudentielles – a dégagé plusieurs critères pour apprécier l’opportunité du projet.
Ceux-ci ne restent que des pistes de réflexion, de sorte qu’il est impossible de déterminer lesquels auraient, en théorie, une chance absolue ou élevée de succès.
Ces critères peuvent être synthétisés comme suit :
2.1. Critères relatifs au projet de déménagement
- Les motifs du parent qui souhaite s’éloigner : il peut s’agir du désir de retourner dans son pays d’origine, de motifs professionnels, relationnels, médicaux ou encore liés au bien être psychologique du parent concerné ;
- La qualité et la cohérence du projet de déménagement, à l’égard duquel la jurisprudence vérifiera le projet professionnel du parent, les conditions d’accueil matérielles de l’enfant, ses possibilités scolaires, parascolaires, sociales et/ou linguistiques : plus le projet est construit, cohérent et qualitatif, plus cet argument sera susceptible d’emporter l’adhésion du tribunal saisi ;
- Le projet commun des parents : par exemple, s’il existait un projet commun d’expatriation de l’enfant avant la séparation, le Juge pourrait être plus enclin à faire droit à la demande de départ.
2.2. Critères relatifs au bien-être de l’enfant
- La capacité d’adaptation de l’enfant au projet de déménagement : à titre d’exemples, un tribunal pourrait le juger capable de s’adapter en raison de son jeune âge ou encore parce qu’il serait habitué à un mode de vie international ;
- La possibilité de maintenir un contact avec le parent éloigné et la place qui lui sera réservée dans la vie de l’enfant : le tribunal sera attentif à la capacité, pour le parent éloigné, de laisser une place à l’autre parent reste centrale dans la réflexion du juge ;
- Le continuum affectif, soit la question de savoir si le parent qui soumet le projet d’expatriation est, ou non, le parent référent de l’enfant, l’ancrage principal de ce dernier ;
- La disponibilité de chacun des parents : A cet égard, le désinvestissement d’un parent ou la disponibilité accrue de l’autre sont autant de circonstances dont il sera vraisemblablement tenu compte.
L’examen des décisions rendues en la matière révèle qu’il ne peut, en définitive, être fait état d’aucune jurisprudence majoritaire, tant les spécificités d’une situation et les circonstances – complexes – liées aux systèmes familiaux sont prépondérantes dans la réflexion.
Seuls les contours du raisonnement encadrant la réflexion du juge et les débats peuvent être dressés, étant entendu qu’il est, en amont, impossible d’en déterminer l’issue.
En particulier pour ces litiges, le recours aux modes alternatifs de résolution des conflits semble d’autant plus fondamental et permet à tout le moins de substituer au duel judiciaire une discussion sereine, réfléchie et, le cas échéant, une solution construite de manière conjointe par les deux parents.