The OFFICI@L – Janvier 2024 – Numéro 90

The OFFICI@L – n° 90 – Janvier 2024, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.

Édito

Chers lecteurs,

Le présent numéro est consacré aux heures supplémentaires, ainsi qu’à un arrêt du Tribunal de l’UE concernant les décisions de reclassement des agents.

Dans notre rubrique « Droit Belge », nous aborderons le thème des modes alternatifs de résolution des conflits dans le cadre des conflits familiaux.

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com

Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit européen et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LUCIE MARCHAL – LAUREN BURGUIN – FEDERICO PATUELLI – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

en partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES:
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

FOCUS : Les heures supplémentaires

Le cadre réglementaire des heures supplémentaires pour les fonctionnaires et agents de l’Union européenne est défini par le Statut et fournit des directives strictes et claires quant aux conditions, compensations et rémunérations associées à ces heures de travail additionnelles. L’article 56 du Statut pose les conditions d’accomplissement des heures supplémentaires et l’annexe VI du Statut définit les modalités de compensation et de rémunération des heures supplémentaires. L’article 56 s’applique de manière similaire aux autres agents.

Conditions d’accomplissement des heures supplémentaires

Conformément à l’Article 56 du Statut, les fonctionnaires ne peuvent être contraints d’accomplir des heures supplémentaires que dans des situations d’urgence ou en cas de surcroît exceptionnel de travail. L’arrêt du Tribunal de la fonction publique a confirmé que l’objectif de l’article 56 du Statut est de protéger les fonctionnaires contre une surcharge de travail (Wanègue c/ Comité des régions, T-682/15 P).

L’autorisation du travail de nuit, du dimanche ou des jours fériés est soumise à une procédure définie par l’Autorité investie du pouvoir de nomination. De plus, la quantité totale d’heures supplémentaires demandées à un fonctionnaire ne peut dépasser 150 heures sur une période de six mois.

Concernant le fonctionnaire travaillant en temps partiel, celui-ci est autorisé, selon la Décision n˚ 59/2023 de la Secrétaire Générale du Conseil, à travailler plus d’heures que prévu dans le cadre de son régime de temps partie, ou entre 20h00 et 7h00, ou le week-end ou un jour férié ou de fermeture des bureaux, à condition que ce travail soit demandé par son supérieur hiérarchique et que le fonctionnaire ait manifesté son accord. Il se voit créditer le temps de travail effectif correspondant le cas échéant.

Compensation et rémunération des heures supplémentaires

Le bénéfice de la compensation ou de la rémunération des heures supplémentaires prévu à l’article premier de l’Annexe VI, est réservé aux fonctionnaires classés aux échelons inférieurs de l’échelle des grades, percevant une rémunération moindre que leurs pairs de grades supérieurs. Les fonctionnaires des groupes de fonctions AD et AST aux grades 5 à 11 ne sont pas éligibles à une compensation ni à une rémunération pour les heures supplémentaires.

En outre, les heures supplémentaires réalisées par certains groupes de fonctionnaires des grades SC 1 à SC 6 et des grades AST 1 à AST 4, travaillant dans des conditions particulières, peuvent être rémunérées sous forme d’une indemnité forfaitaire. Les modalités d’attribution et le montant de cette indemnité sont fixés par l’Autorité investie du pouvoir de nomination, après consultation de la Commission Paritaire.

Les dispositions ouvrant droit à des prestations financières doivent être interprétées de manière stricte. A ce sujet, le Tribunal a clairement énoncé qu’un fonctionnaire occupant un grade supérieur, même s’il exerce des fonctions généralement attribuées aux premiers niveaux de l’échelle des grades, n’a pas droit à une rémunération pour les heures supplémentaires en raison de son traitement mensuel supérieur (Wanègue c/ Comité des Régions T-682/15 P).

Pour les catégories ou grades qui ne sont pas couverts par l’Annexe VI, les heures supplémentaires sont uniquement récupérées sous forme de temps. Par exemple, la Décision du Conseil précise qu’un fonctionnaire ou agent temporaire de grade AD9/AST9 et supérieur peut récupérer son crédit d’heures supplémentaires en tranches de demi-journées, jusqu’à un maximum de huit demi-journées par mois civil.

Jurisprudence : Décisions de reclassement et taux multiplicateurs

Dans un arrêt du 22 novembre 2023 (QN /eu-Lisa Parlement européen, T-484/22), le Tribunal de l’Union européenne annule la décision de reclassement prise par eu LISA (ci-après, « Agence ») au titre de l’exercice 2021.

Ce faisant, le Tribunal complète la jurisprudence relative aux taux multiplicateurs de référence destinés à l’équivalence des carrières moyennes dans le cadre du reclassement des agents temporaires, ainsi que celle relative à la possibilité d’utiliser ces taux pour calculer l’ancienneté moyenne dans le grade applicable avant le reclassement.

Le requérant devant le Tribunal est depuis 2019 agent temporaire de grade AD9 au sein de l’Agence. Par son recours, il avait demandé l’annulation de la décision avec laquelle l’Agence avait procédé au reclassement de certains de ses agents au titre de l’exercice 2021.

En matière de reclassement, les normes applicables prescrivent :

  1. La comparaison des mérites ;
  2. La prise en considération des ressources budgétaires disponible et
  3. Le respect des taux multiplicateurs de référence, utilisés notamment pour déterminer la durée de carrière moyenne dans un grade et, in fine, l’ancienneté moyenne minimale à satisfaire pour chacun des grades concernés afin de pouvoir bénéficier du reclassement.

En l’espèce, l’Agence avait appliqué les taux multiplicateurs prévus à l’annexe I, section B, du Statut, tels que mis en œuvre dans les dispositions générales d’exécution (DGE) de l’article 54 du RAA qu’elle avait adoptées. Concernant le grade applicable au requérant, AD9, il était d’application un taux de 25%, équivalant à une ancienneté minimale de 4 ans.

Néanmoins, selon le requérant, la décision de reclassement avait enfreint le principe de non-discrimination, puisque l’Agence n’avait pas appliqué la condition d’ancienneté moyenne minimale à l’ensemble des agents éligibles des différents grades. En particulier, cette condition avait été appliquée aux grades supérieurs (e.g., entre AD9 et AD13), à l’exclusion d’au moins quatre grades, dont deux grades AD moins élevés que celui du requérant.

A ce sujet, le Tribunal a effectivement constaté une différence de traitement.

En effet, le principe d’égalité de traitement imposait en principe à l’Agence d’appliquer à l’ensemble des agents éligibles la condition relative à l’ancienneté moyenne minimale dans le grade, ou de ne l’appliquer à aucun grade. Au contraire, le Tribunal a constaté dans la décision de reclassement une différence de traitement entre les agents des grades moins élevés, dont certains ont été reclassés sans atteindre l’ancienneté moyenne minimale dans leur grade, et le requérant, à qui l’Agence avait attribué la deuxième note de reclassement la plus élevée de toute l’Agence, au vu des résultats excellents soulignés dans ses rapports de 2020 et de 2021.

Cependant, l’Agence était susceptible de justifier une telle différenciation, en démontrant d’avoir suivi à cette fin un critère objectif et raisonnable, et d’avoir respecté le principe de proportionnalité. A cet égard, le directeur de l’Agence avait affirmé vouloir récompenser les agents qui avaient déployé de gros efforts pour surmonter la crise exceptionnelle due à la pandémie.

Toutefois, la différence de traitement observée au détriment du requérant était en tout état de cause, selon le Tribunal, disproportionnée au regard du niveau de ses mérites et de sa note de reclassement, de sa contribution significative lors de la pandémie et du fait qu’au moins trois postes avaient été ouverts aux agents de son grade pour être reclassés.

Par conséquent, le Tribunal a fait droit à la demande du requérant et a prononcé l’annulation de la décision contestée.

Droit belge – Les modes alternatifs de résolution des conflits au secours des familles

Le 2 juillet 2018, le Moniteur belge publiait la loi portant diverses dispositions en vue de promouvoir les Modes Alternatifs de Résolution des Conflits (plus couramment appelés les MARC). Ces modes sont les suivants : la médiation, la négociation, le droit collaboratif, la conciliation et l’arbitrage.

Cette loi, publiée dans un contexte où le public dénonçait un retard judiciaire important, prévoit qu’en cas de litige, le recours à la médiation et au droit collaboratif sont des préalables à la saisine des cours et tribunaux. Elle avait ainsi pour objectif de réduire le nombre d’affaires pendantes devant les juges.

Les avocats doivent depuis informer leurs clients de l’existence des différentes formes amiables de résolution des litiges et doivent favoriser le recours aux MARC, dans la mesure du possible.

L’arriéré judiciaire est malheureusement toujours d’actualité, tandis que ces différents modes ont pris une place centrale dans la résolution des conflits entre parties, et en particulier en droit familial.

Il s’agit en effet de méthodes qui, en dehors de la procédure judiciaire, redonnent aux parties une place essentielle et un espace au sein duquel s’exprimer, pour leur permettre de trouver des solutions créatives, et par conséquent adaptées à leur situation.

Ces modes diffèrent donc radicalement de la traditionnelle voie de la procédure judiciaire, qui se révèle souvent longue et coûteuse, et de laquelle les parties ressortent parfois insatisfaits.

Les trois MARC que nous choisissons d’évoquer dans cet article sont à notre sens ceux qui sont les plus utilisés dans le cadre de litiges familiaux. Il s’agit de la négociation, la médiation et du droit collaboratif (la conciliation ou la tierce décision obligatoire ne seront pas évoqués dans cet article).

Ils sont toutefois différents et il nous paraissait important de rappeler ce qui les distingue et leurs avantages respectifs.

La négociation a pour objectif de résoudre des conflits de manière amiable, en cherchant un terrain d’entente par le dialogue et le compromis. Elle se déroule directement entre les parties ou avec leurs avocats respectifs.

Contrairement aux autres MARC, la négociation ne suppose pas le respect de règles spécifiques (même si la négociation raisonnée se fonde sur des principes de base ayant un socle commun avec les outils utilisés en médiation). Elle n’impose pas non plus de formation spécifique dans le chef des personnes qui la pratiquent. Le cadre est donc fixé librement par les parties.

La négociation peut intervenir à tout moment : avant, pendant, ou même après une procédure judiciaire.

Si les parties parviennent à dégager un accord, qu’il soit partiel ou global, celui-ci peut être homologué par le juge.

La médiation est un processus volontaire et confidentiel. Elle diffère sensiblement de la négociation en ce qu’elle suppose obligatoirement la présence d’un tiers neutre, impartial et indépendant, spécifiquement formé à cette méthode.

Ce tiers aura pour mission de faciliter, grâce à un processus conçu à cet effet, la communication entre les parties et à les aider à rechercher, de manière créative, les modalités d’un accord acceptable pour chacune.

Cette médiation peut se dérouler en présence des avocats. Le processus se déroule généralement en plusieurs séances et dure jusqu’à ce que les parties aboutissent à un accord. Le médiateur et/ou les parties peut(peuvent) choisir d’interrompre la médiation à tout moment.

La médiation familiale peut prendre différentes formes : elle peut être judiciaire, lorsque le juge l’ordonne et pour autant que toutes les parties à la cause ne s’y opposent pas, ou elle peut être extrajudiciaire, lorsqu’elle est mise en place indépendamment de toute intervention judiciaire.

Contrairement à la négociation, ce processus implique l’absence de procédure judiciaire ou à tout le moins la suspension de celle qui serait en cours.

L’accord intervenu par le biais d’une médiation peut être homologué de manière simplifiée par le juge si le médiateur est agréé.

Enfin, le droit collaboratif est un processus volontaire et confidentiel d’origine canadienne, légalement reconnu depuis le 1er janvier 2019.

Il s’agit d’une négociation, spécifiquement structurée, dans le cadre de laquelle chaque partie est assistée d’un avocat formé en droit collaboratif, présent tout au long du processus.

Le droit collaboratif s’est développé pour rencontrer les attentes des justiciables qui souhaitent être soutenus par un professionnel dans la recherche de solutions amiables qui répondent à leurs besoins (en ce compris ceux de leurs enfants).

Le droit collaboratif implique donc la présence de quatre personnes dans un cadre sécurisant, qui œuvrent ensemble à un seul objectif commun : trouver un accord qui rencontre les intérêts de chacun.

À la différence de tous les autres MARC, les avocats collaboratifs ont une obligation de retrait en cas d’échec lors du processus, ce qui suppose qu’un autre avocat devra intervenir en cas d’éventuelle procédure judiciaire. Chacune des parties peut mettre fin au processus à tout moment, sans que cela puisse lui porter préjudice, mais tant que le processus se poursuit, les 4 acteurs du processus œuvrent à la recherche d’un terrain d’entente.

Dans un monde où les conflits sont légion, les MARC ont vocation à jouer un rôle de plus en plus crucial dans la résolution des différends entre parties. Ceux-ci se révèlent ainsi être des outils essentiels, auxquels chacun devrait accorder une attention particulière.