THE OFFICI@L – FÉVRIER 2024 – NUMÉRO 91

The OFFICI@L – n° 91 – Février 2024, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.

Édito

Chers lecteurs,

Le présent numéro est consacré au rôle et à l’activité du Médiateur européen (Ombudsman) en matière de fonction publique européenne, ainsi qu’à un arrêt récent du Tribunal de l’UE concernant les décisions de promotion.

Dans notre rubrique « Droit belge », nous aborderons le thème des contrats à distance de réparations urgentes.

La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com

Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit européen et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LUCIE MARCHAL – LAUREN BURGUIN – FEDERICO PATUELLI – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT

en partenariat avec le cabinet PERSPECTIVES:
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ

FOCUS : Le Médiateur européen (Ombudsman)

Le Médiateur européen (ou Ombudsman) est un organe indépendant qui aide à détecter des situations de mauvaise administration par les institutions, organes, bureaux et agences de l’Union européenne.

Concrètement, le Médiateur européen peut être sollicité par les agents et fonctionnaires UE afin de dénouer des blocages ou des litiges relatifs à certaines pratiques de l’administration européenne agissant en tant qu’employeur.

Par exemple, en janvier 2024 le Médiateur européen a clôturé une enquête lancée en 2023 qui a conduit l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) à annuler et répéter une procédure de sélection qui avait eu lieu uniquement à distance. En l’espèce, l’EPSO avait fixé une série d’exigences techniques susceptibles d’affecter négativement les candidats économiquement plus faibles : le candidat devait d’une part disposer d’un ordinateur personnel (avec droit d’administrateur, à l’exclusion des ordinateurs “de société”), doté d’un écran d’au moins 19 pouces et d’une version de Windows ou macOS assez récente, et d’autre part passer l’épreuve dans un espace physique répondant à des caractéristiques strictes.

Le Médiateur a par ailleurs identifié des carences en termes :

  1. d’information préalable concernant les conditions de passage du test ;
  2. de clarté des instructions relatives aux incidents techniques ;
  3. de transparence concernant l’introduction et le traitement de plaintes ;
  4. de modalité de reprogrammation des épreuves en cas de circonstances exceptionnelles, étant donné que le candidat ne pouvait pas choisir la date de la réitération des preuves).

À la suite des plaintes des candidats et à l’intervention du Médiateur, EPSO a annulé et relancé la procédure de sélection. Ainsi, le recours au Médiateur européen peut représenter une corde supplémentaire à l’arc des agents et fonctionnaires dans l’éventail des possibilités pour faire valoir leurs droits, afin de tenter d’obtenir la résolution relativement rapide et accessible des problèmes rencontrés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

Toutefois, il est important de garder à l’esprit que le dépôt de plaintes auprès du Médiateur européen ne suspend pas les délais de recours dans les procédures administratives ou judiciaires.

Comment introduire une plainte ?

Toute personne physique, fonctionnaires et agents de l’UE inclus, ou morale résidant ou ayant son siège social dans un État membre de l’UE peut porter plainte pour mauvaise administration auprès du Médiateur.

Une plainte au Médiateur doit être introduite après avoir épuisé les procédures administratives internes et dans un délai de 2 ans suivant la prise de connaissance des motifs mis en avant par l’administration concernée.

Concrètement, en matière de fonction publique, cela signifie que l’agent ou le fonctionnaire concerné devra veiller à avoir saisi au préalable l’autorité concernée (AIPN ou AHCC) de ses griefs, par la voie d’une demande et/ou d’une réclamation formelle au sens de l’article 90 du Statut. Ce préalable est obligatoire pour que le Médiateur considère la plainte recevable.

Procédure

Lorsque les recours préalables internes échouent et sont épuisés, la plainte pour mauvaise administration peut être introduite auprès du Médiateur. Celle-ci peut être déposée à titre individuel ou au nom d’autres personnes, et doit contenir une description détaillée du problème rencontré et exposer les éléments de preuve pertinents.

Une fois valablement saisi, et s’il la considère recevable, le Médiateur européen enquête sur la plainte. Dans ce cadre, le Médiateur européen va contacter l’institution de l’UE concernée afin de se renseigner et de demander d’éventuelles explications quant aux problèmes dénoncés. Le Médiateur dispose également d’un large éventail de mesures d’enquête, il peut notamment rechercher les documents pertinents et mener des entretiens, le cas échéant.

La procédure devant le Médiateur européen est conçue pour être accessible et permettre ainsi aux individus de soumettre des plaintes de manière autonome.

Partant, il n’est pas obligatoire d’être assisté par un avocat, bien que cela puisse s’avérer particulièrement utile lorsque l’affaire concerne l’interprétation d’une disposition juridique.

Résultat

Si l’institution reconnaît l’erreur et prend des mesures correctives, le cas est résolu et, si le plaignant est satisfait du résultat, le Médiateur européen clôt le dossier. Attention toutefois, le Médiateur européen émet de simples recommandations et l’Institution peut décider de ne pas les suivre, si elle ne les estime pas approprié. A cet égard, il est important de garder à l’esprit que l’introduction des plaintes auprès du Médiateur européen ne suspend pas les délais de recours dans les procédures administratives ou juridictionnelles. L’agent ou le fonctionnaire doit donc bien souvent faire un choix entre ces types de procédures.

Néanmoins, l’intervention du Médiateur européen peut s’avérer particulièrement efficace dans des situations où une solution rapide est cruciale à la fois pour le plaignant, mais aussi pour l’Institution afin d’éviter une condamnation et la réparation d’un éventuel dommage : en 2022, par exemple, l’intervention du Médiateur européen a amené le Parlement à répondre en un mois à une demande de reconnaissance de la maladie professionnelle d’un membre du personnel qui était en suspens depuis plus d’un an.

Jurisprudence : Décision de non-promotion

Dans un arrêt du 7 février 2024 (XH/Commission européenne, T-353/22), le Tribunal de l’Union européenne confirme la décision de la Commission de ne pas inclure la requérante sur la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2021.

A cette occasion, le Tribunal rappelle sa jurisprudence constante en matière de promotion, et plus particulièrement celle relative aux critères et documents pouvant être pris en considération par l’Autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) dans le cadre de l’examen comparatif.

La requérante devant le Tribunal est fonctionnaire à l’OLAF et a été recrutée au grade AD5 en 2014.  Elle a ensuite été promue au grade AD6 au titre de l’exercice de promotion 2018.

En matière de promotion, les normes applicables sont basées sur :

  1. la comparaison de mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ;
  2. la prise en considération, à cette fin :

2.1. des rapports d’évaluation dont le fonctionnaire a fait l’objet depuis sa précédente promotion, à défaut depuis leur recrutement ;

2.2. de l’utilisation, dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie;

2.3. du niveau des responsabilités exercées ;

2.4. cette liste n’étant pas exhaustive, d’autres critères peuvent également être pris en considération.

En l’espèce, la requérante n’avait déjà pas été retenue lors de l’exercice de promotion 2017. Elle avait introduit un recours afin d’obtenir l’annulation de la décision de non-promotion 2017 car son rapport de stage, qui avait fait état de difficultés rencontrées par la requérante avec certains de ses collègues, avait été pris en compte à l’époque dans l’examen comparatif de ses mérites .

A la suite d’un premier recours, (XH/Commission européenne, T-511/18), la décision de non-promotion au titre de l’exercice 2017 avait été annulée, en raison de la prise en compte de ce rapport de stage lors de l’exercice de promotion.

Selon la requérante, l’arrêt rendu dans le cadre de ce premier recours n’avait pas été exécuté par la Commission, dès lors que son rapport de stage faisait encore partie de son dossier personnel au moment de l’examen comparatif des mérites pour l’exercice de promotion 2021, influençant négativement ses chances d’être promue.

Sur ce point précis, le Tribunal rappelle que s’il comporte un certain nombre d’observations sur l’aptitude au travail du fonctionnaire, le rapport de stage a pour seul objectif de préparer la décision de l’Administration de titularisation ou de licenciement de l’intéressé(e) à la fin de la période de stage. Dans ce contexte, le rapport de stage ne peut pas être pris en compte dans le cadre d’un exercice de promotion d’un fonctionnaire titularisé, notamment lorsque, comme en l’espèce, il contient des critiques qui dépassent celles objectivement nécessaires aux fins d’apprécier l’existence de difficultés dans le service.

Cela étant dit, le Tribunal considère que la requérante ne peut plus s’appuyer sur l’influence négative alléguée de son rapport de stage sur l’exercice de promotion 2021. Notamment, le Tribunal souligne qu’il avait estimé, à l’époque, que les circonstances devaient conduire à exclure le rapport intermédiaire de stage de la requérante des documents servant de base à l’examen comparatif des mérites effectué au titre de l’exercice de promotion 2017. Toutefois, contrairement à la demande de la requérante, le Tribunal n’est pas compétent pour ordonner le retrait desdits documents du dossier personnel d’un fonctionnaire. Quoi qu’il en soit, en l’espèce, il apparaît que ses rapports ont été retirés du dossier personnel Sysper 2 de la requérante en 2018. Les arguments de la requérante sont donc rejetés.

Selon la requérante, l’AIPN aurait, par ailleurs, commis une erreur d’appréciation en ce qui concerne les mérites des fonctionnaires candidats.

Néanmoins, est considérée comme suffisamment éclairée et non équivoque la décision de non-promotion 2021. Le Tribunal rappelle qu’il ne lui appartient pas de procéder à un réexamen détaillé des dossiers des candidats promouvables et, afin de préserver l’effet utile de la marge d’appréciation de l’AIPN, il interprète le terme “manifeste” comme visant les erreurs aisément perceptibles et pouvant être détectées à l’évidence à l’aune de l’application des critères dans la comparaison effectuée par l’AIPN.

Dans le cadre de son contrôle limité, il convient de souligner que le Tribunal examine tout de même toujours les mérites du candidat par comparaison avec les autres collègues promus, à savoir le type de responsabilités exercées (responsabilité simple ou de gestion par comparaison à des responsabilités de haut niveau) ; le nombre de langues parlées par les candidats ; le rôle et l’intégration des candidats au sein de leur unité (« intégration rapide » et « participation aux activités quotidiennes » par comparaison à « piliers de l’unité » ; « très appréciés de leurs collègues et hiérarchie», « indispensables pour l’unité ») ; la qualité des prestations des candidats (« satisfaisant » par comparaison à « travaillent avec dévouement, compétence et efficacité »); le niveau de progression des candidats, etc.

En l’espèce, le Tribunal n’a détecté aucune erreur manifeste, il n’a donc pas fait droit à la demande de la requérante et a rejeté le recours.

Droit belge : Contrat à distance de réparations urgentes

L’encadrement juridique du contrat à distance de réparations urgentes.

Comment préserver vos droits lorsque vous devez faire appel en urgence à un prestataire de services ?

L’appel à un prestaire de services (par exemple, un plombier ou un serrurier) dans des situations d’urgence peut exposer le consommateur à des abus. Le recours à ces services s’inscrit dans le cadre des contrats qualifiés de « contrats à distance de réparations d’urgence » qui font l’objet de dispositions protectrices du consommateur dans le Code de droit économique (articles VI.45 et suivants).

Le contrat à distance est défini comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ».

Le contrat à distance de « réparation d’urgence », quant à lui, est défini comme « les contrats dans lesquels le consommateur a expressément demandé à l’entreprise de lui rendre visite afin d’effectuer des travaux urgents d’entretien ou de réparation » (Art.VI.53/8 du CDE).

Certains contrats sont exclus du champ d’application des dispositions précitées parce qu’ils font l’objet d’une réglementation spéciale. Il s’agit, par exemple, des conventions concernant l’aide juridique fournie par un avocat (Article VI.1/1 du CDE) ou portant sur des services financiers.

Le Code de droit économique prévoit qu’avant la conclusion du contrat à distance de réparation d’urgence, le consommateur doit recevoir de manière claire, lisible et compréhensible de la part du prestataire, les informations précontractuelles suivantes :

  • les principales caractéristiques du service, dans la mesure appropriée au support de communication ;
  • le nom du prestataire de service, ses coordonnées postales, téléphoniques, électroniques ;
  • l’adresse du prestataire de service (et de son siège social si elle diffère) ;
  • le prix total du service toutes taxes comprises ou le mode de calcul du prix, lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l’avance du fait de la nature du bien ou du service (i.e. frais supplémentaires de transport, de livraison, d’affranchissement et tous les autres frais éventuellement éligibles) ;
  • le coût de l’utilisation de la technique de communication à distance pour la conclusion du contrat, à défaut d’utilisation du tarif de base ;
  • les modalités de paiement, de livraison, d’exécution,
  • la date à laquelle l’entreprise s’engage à exécuter les services ;
  • les modalités prévues par l’entreprise pour le traitement des réclamations et la possibilité de recourir à une procédure extrajudiciaire de réclamation et de réparation, le cas échéant ;
  • la mention de l’absence de droit de rétractation et les circonstances dans lesquelles le consomateur perd son droit (Art.VI.45/ et Art.VI.53/8 du CDE) ;

Si, à l’occasion de cette visite, l’entreprise fournit des services venant s’ajouter à ceux spécifiquement requis par le consommateur ou des biens autres que les pièces de rechange indispensables aux travaux d’entretien ou de réparation, le droit de rétractation s’applique à ces services ou biens supplémentaires. (Art.VI.53/8 du CDE)

  • l’existence d’un code de conduite ;
  • la durée du contrat ;
  • la durée minimale des obligations du consommateur ;
  • l’existence de garanties financières applicables ;
  • le cas échéant, la possibilité de recourir à une procédure extrajudiciaire de réclamation et de réparation à laquelle l’entreprise est soumise (en vertu du contrat ou d’un code de conduite) et les modalités d’accès à celle-ci.

La charge de la preuve concernant le respect des obligations d’information énoncées dans le présent article incombe au prestataire de services.

Dans le contexte des situations d’urgence, exiger la communication de l’intégralité de ces informations préalablement à une intervention du prestataire peut apparaître irréaliste. Dès lors, si le prestataire ne peut pas fournir toutes ces informations, en raison des limites imposées à la présentation de ces données, il doit indiquer au minimum les caractéristiques des biens ou services, leur prix, son identité, la durée du contrat et le droit de rétractation. Il est indispensable, pour éviter tout abus, d’exiger un devis préalablement à l’intervention et de se réserver la preuve du devis communiqué (via une communication électronique quelconque : lien hypertexte, photo envoyée par email de la version papier, etc.).

En cas de non-respect de cette protection renforcée du consommateur et si aucune solution ne peut être trouvée avec l’entreprise concernée, le consommateur peut recourir à une procédure extrajudiciaire de réclamation ou de réparation si elle est prévue dans le contrat ou dans un Code de conduite qui lie le prestataire de services en question.

En cas d’absence de procédure extrajudiciaire, le consommateur peut introduire une demande de règlement extrajudiciaire d’un litige de consommation auprès du Service de médiation pour le consommateur en ligne (Formulaire | Service de Médiation pour le Consommateur (mediationconsommateur.be). (Art.XVI.6 et XVI.15 du CDE). Cette demande est traitée gratuitement.

Un recours demeure possible devant les juridictions ordinaires.