
The OFFICI@L – n° 101 – avril 2025, notre newsletter dédiée aux fonctionnaires de l’Union européenne, vient de paraître. Elle est disponible tant en français qu’en anglais.
Édito
Chers lecteurs,
Le présent numéro est consacré à une revue de la jurisprudence récente en matière de régime linguistique des concours, ainsi qu’une analyse comparée des arrêts T-20/24 et T-349/23 en matière d’harcèlement moral.
Dans notre rubrique « Droit belge », nous aborderons les nouvelles règles en matière de garantie légale de la vente d’animaux vivants.
La présente newsletter est aussi la vôtre et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions pour nos prochains numéros. N’hésitez pas à nous contacter par mail : theofficial@daldewolf.com
L’équipe DALDEWOLF

DALDEWOLF
– Droit de l’Union européenne et droit humains
THIERRY BONTINCK – ANAÏS GUILLERME – MARIANNE BRÉSART – LAURA JAKOBS – LUCIE MARCHAL – LOUISE BOUCHET – SABRINA NAPOLITANO – FEDERICO PATUELLI
– Droit belge
DOMINIQUE BOGAERT
En partenariant avec le cabinet PERSPECTIVES :
– Droit de la famille
CANDICE FASTREZ
Le régime linguistique de l’Union européenne : cadre et jurisprudence récente
Le respect de la diversité linguistique est l’un des principes fondamentaux qui structure l’Union européenne, tant sur le plan normatif que symbolique. Ce principe est affirmé à l’article 3 du Traité sur l’Union européenne, qui dispose que l’UE « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique », ainsi qu’à l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Cette reconnaissance est concrétisée par des règlements spécifiques, notamment le règlement n° 1/58 du Conseil, qui désigne les 24 langues officielles de l’UE comme langues de travail des institutions. L’article 6 de ce règlement confère aux institutions une certaine autonomie pour définir, dans leurs règlements internes, les modalités d’application de ce régime, ce qui leur permet de restreindre le nombre de langues de travail. Ce cadre est complété par l’article 1er quinquies du Statut des fonctionnaires européens, qui interdit toute discrimination fondée sur la langue, sauf si elle repose sur une justification objective liée aux besoins du service.
Dans la pratique, notamment lors des concours de recrutement organisés par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), la diversité linguistique se heurte souvent à une limitation des langues à l’anglais et au français. Ces pratiques suscitent régulièrement des interrogations quant au respect du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination de tous les candidats.
La jurisprudence récente du Tribunal de l’Union européenne a précisé les conditions de validité des restrictions linguistiques lors des concours, illustrant la tension entre la réalité institutionnelle — marquée par la prépondérance de l’anglais — et l’idéal multilingue.
Dans deux arrêts du 8 mai et du 9 octobre 2024 (affaires T-555/22 et T-7/23), le Tribunal a annulé des avis de concours imposant l’anglais comme seconde langue obligatoire. Saisi notamment par la République française, il a jugé que cette restriction constituait une discrimination fondée sur la langue, faute de justification objective et proportionnée.
Dans ces affaires, le Tribunal a relevé que la Commission européenne n’avait pas démontré que la maîtrise immédiate de l’anglais était indispensable pour exercer les fonctions concernées, ni prouvé que des solutions alternatives, telles que l’apprentissage linguistique après le recrutement, auraient été insuffisantes.
Pour autant, toutes les limitations linguistiques ne sont pas prohibées : des restrictions peuvent être admises si elles sont justifiées par des critères objectifs, transparents, prévisibles et strictement nécessaires aux besoins du service. Dans un arrêt du 10 juillet 2024 (affaire T-216/23), le Tribunal a validé une limitation du choix aux langues anglaise et française pour un concours relatif à la coopération internationale et à l’aide aux pays tiers. La décision s’appuie sur des éléments concrets — statistiques d’usage, documents internes et descriptifs de postes — démontrant l’utilisation quotidienne de ces langues dans les services concernés.
Ces décisions renforcent l’exigence de rigueur imposée aux institutions lorsqu’elles restreignent le choix linguistique dans les procédures de recrutement. Il ne suffit plus d’invoquer la prédominance de l’anglais comme langue de travail dans les institutions : il faut prouver, par des éléments précis et vérifiables, que la maîtrise d’une langue spécifique est indispensable dès l’entrée en fonction pour l’exercice des tâches décrites dans l’avis de concours.
Dans les affaires T-555/22 et T-7/23, le Tribunal a également insisté sur l’absence de démonstration du caractère proportionné de la limitation linguistique, notamment au regard des possibilités d’apprentissage offertes après l’embauche. Toute restriction doit être directement liée aux fonctions spécifiques à exercer et ne peut se fonder sur des justifications générales tirées des pratiques internes.
Ainsi, la jurisprudence confirme que la limitation du choix linguistique n’est pas, en soi, contraire au droit de l’Union, mais qu’elle doit satisfaire à des exigences strictes de justification et de proportionnalité. Les institutions doivent démontrer concrètement que les compétences linguistiques exigées répondent aux besoins effectifs du poste et que la restriction ne constitue pas une discrimination déguisée.
Jurisprudence – Harcèlement moral – Comité anti-harcèlement du Parlement européen
Le Tribunal de l’UE s’est récemment prononcé sur les procédures et pratiques du Parlement européen en matière de gestion des allégations de harcèlement au sein de son Institution.
Le 12 février 2025, le Tribunal de l’UE a rendu son arrêt dans l’affaire T-20/24 (TU et BY / Parlement européen), annulant deux décisions du Parlement européen par lesquelles ce dernier avait rejeté les demandes d’assistants parlementaires visant à obtenir l’accès au rapport d’enquête administrative établi à propos de faits de harcèlement à leur égard.
Un mois plus tard, le 12 mars 2025, le Tribunal de l’UE a rendu son arrêt dans l’affaire T-349/23, annulant une décision de la Présidente du Parlement européen imposant à une députée européenne une sanction au motif que certains comportements invoqués à l’encontre de cette députée étaient constitutifs de harcèlement.
Contexte des deux affaires
Dans la première affaire (T-20/24), les requérants, tous deux assistants parlementaires accrédités, avaient introduit des demandes d’assistance pour des faits allégués de harcèlement commis par leur députée de référence. En juin 2022, le Comité anti-harcèlement du Parlement (ci-après le « Comité »), après avoir mené une enquête administrative, avait adressé son rapport d’enquête à la Présidente du Parlement. Par la suite, cette dernière avait adopté une décision constatant l’existence d’un harcèlement de la part de la députée envers les deux requérants ainsi qu’une décision portant sur les sanctions à infliger à la députée.
Les requérants avaient demandé au Comité une copie de son rapport d’enquête afin de pouvoir l’utiliser dans le cadre des poursuites judiciaires contre la députée. Leur demande avait toutefois été rejetée par le Comité pour des motifs de confidentialité, lequel avait par ailleurs précisé que l’accès à son rapport ne pouvait se faire qu’à la demande d’un tribunal national.
Dans la seconde affaire (T-349/23), le Comité avait informé la requérante, une (ancienne) députée européenne, de l’ouverture d’une enquête à son encontre en raison de l’introduction d’une plainte par son ancien assistant parlementaire accrédité. Après avoir présenté des observations écrites au Comité sur les allégations du plaignant, la requérante avait été invitée à une audition par le Comité, à laquelle elle n’avait toutefois pu se rendre dès lors que l’assistance d’un avocat lui avait été refusée.
Par la suite, le Comité avait adopté son rapport sur la plainte concluant à l’existence d’un harcèlement moral dans le chef de la requérante. La Présidente du Parlement européen avait alors communiqué une version anonymisée du rapport, sans les témoignages et autres pièces du dossier, et avait infligé une sanction à la requérante, sans l’entendre oralement au préalable.
Les violations relevées
Dans la première affaire, le Tribunal de l’UE a constaté que les décisions adoptées par le Comité, ne précisaient ni les informations couvertes par la confidentialité, ni les raisons nécessitant de sauvegarder la confidentialité du rapport du Comité dans son intégralité à l’égard des requérants, auteurs de la demande d’assistance initiale.
Par conséquent, en l’absence de précision d’un intérêt légitime de confidentialité, le Tribunal a conclu que le Parlement aurait dû transmettre le rapport du Comité aux requérants, le cas échéant dans une version non confidentielle.
Dans la seconde affaire, la requérante députée européenne se plaignait notamment de l’absence d’audition devant la Présidente du Parlement, du refus de l’assistance d’un avocat devant la Présidente du Parlement et de l’anonymisation des annexes au rapport du Comité, de façon à rendre impossible la défense de la requérante.
Le Tribunal a conclu que les droits de la défense de la requérante n’avaient pas été respectés dans la mesure où le rapport du Comité, dans sa version anonymisée partagée avec la requérante, ne reflétait pas la substance des témoignages recueilli, et ne permettait pas à la requérante de comprendre effectivement la nature des allégations et de se défendre. Le Tribunal a notamment rappelé sa jurisprudence selon laquelle, dans une procédure visant à établir l’existence d’un harcèlement, le principe général du respect des droits de la défense implique que, dans le respect d’éventuelles exigences de confidentialité, la personne mise en cause se voie, préalablement à l’adoption de la décision lui faisant grief, communiquer toutes les pièces du dossier, à charge et à décharge, concernant ledit harcèlement et qu’elle soit entendue.
Analyse comparée des deux arrêts
Ces deux arrêts, rendus à un mois d’intervalle, ont pour principal point commun de pointer les défaillances des procédures et pratiques du Parlement européen, et notamment du Comité consultatif chargé d’examiner les plaintes pour harcèlement, dans la gestion d’allégations de harcèlement moral, tant du côté des victimes que des auteurs allégués de harcèlement.
Ce Comité a d’ailleurs déjà fait l’objet de critiques par le passé, y compris de la part des députés eux-mêmes dans leur Résolution C/2023/1224 du 1er juin 2023, plaidant pour plus de transparence et de professionnalisme.
Les deux arrêts du Tribunal viennent justement rappeler cette nécessité de transparence et de respect des droits de la défense dans toute procédure administrative, conformément au droit à une bonne administration consacré par l’article 41(2) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union.
Il aurait été bienvenu que le Tribunal, pour trancher le litige dans l’affaire T-349/23, examine aussi la légalité des décisions de ne pas entendre oralement la personne concernée sur les allégations et de lui avoir refusé l’assistance d’un avocat, tant devant le Comité que devant la Présidence du Parlement européen. Cela peut paraître une évidence, mais il n’est jamais superflu de le rappeler.
Les nouvelles règles de garantie spécifiques à la vente d’animaux vivants en Belgique
Depuis le 1er mai 2024 (date d’entrée en vigueur de la loi du 21 fevrier 2024), la Belgique applique des règles de garantie spécifiques aux animaux vivants vendus par des professionnels à des consommateurs. Cette loi s’applique uniquement aux contrats conclus après cette date. Les animaux achetés avant le 1er mai 2024 restent soumis aux règles de garantie des biens de consommation ordinaires.
Les nouvelles règles de garantie concernent tous les animaux vivants, y compris ceux qui ne sont pas encore nés au moment de la conclusion du contrat. Cependant, elles ne s’appliquent pas aux animaux destinés à la consommation humaine ni à ceux servant d’appât ou d’aliment pour d’autres animaux.
Défauts de conformité couverts par la garantie
La garantie légale couvre tout « défaut de conformité » chez l’animal, c’est-à-dire tout problème de santé ou caractéristique non conforme à ce qui est stipulé dans le contrat ou à ce que le consommateur peut raisonnablement attendre. Cela inclut les maladies infectieuses, les malformations congénitales, ainsi que des caractéristiques telles que l’âge et le sexe de l’animal.
La durée de la garantie légale est d’un an à partir de la date de prise de livraison de l’animal au consommateur. Si un problème de santé ou une caractéristique non conforme est découvert au cours de cette période, il est présumé que ce problème existait déjà au moment de la livraison. Le vendeur doit prouver le contraire s’il conteste cette présomption.
Procédure en cas de problème de santé ou de non-conformité
En cas de problème, le consommateur doit immédiatement informer le vendeur. Si le problème n’est pas signalé, le vendeur pourrait ne pas être responsable des dommages supplémentaires causés à l’animal. Le consommateur a droit à la réparation ou au remplacement de l’animal. Si le coût des soins est disproportionné, le vendeur ne pourra pas dépasser un certain plafond de dépenses. Le consommateur peut également demander une réduction de prix ou résilier le contrat dans des situations graves.
Pour soigner un animal, le consommateur doit d’abord donner au vendeur la possibilité de le faire. Si une intervention immédiate d’un vétérinaire est nécessaire, le consommateur peut choisir son propre vétérinaire et demander le remboursement des frais raisonnables. Il doit toutefois prouver que l’intervention était manifestement nécessaire, tandis que le vendeur doit démontrer que les frais demandés sont déraisonnables.