Publicités relatives aux monnaies virtuelles : la Belgique se dote de nouvelles règles

Le 17 mai 2023, les nouvelles règles régissant les publicités pour les monnaies virtuelles entreront en vigueur. Ces règles visent notamment à faire en sorte que les risques liés aux monnaies virtuelles soient suffisamment mis en exergue dans lesdites publicités. L’Autorité des services et marchés financiers (FSMA) veillera au respect de ces règles.

Le 5 janvier 2023, la FSMA a édicté un règlement subordonnant à des conditions restrictives la commercialisation de monnaies virtuelles auprès des consommateurs.

1. Justifications

Différents motifs ont présidé à l’adoption de ce règlement, notamment (a) l’intervention des influenceurs dans la promotion de certains cryptoactifs, (b) les risques inhérents à ces derniers et (c) leur volatilité.

a. Intervention des influenceurs

En effet, les monnaies virtuelles font l’objet d’une large promotion auprès du grand public et constituent un objet d’investissement disposant d’une grande popularité. Des consommateurs achètent ou vendent des cryptos à des fins spéculatives, souvent en espérant pouvoir réaliser un bénéfice important sur le cours de cette monnaie.

La promotion des monnaies virtuelles est non seulement effectuée par le biais de canaux classiques de marketing, mais également par le biais des réseaux sociaux ou d’applications telles que Tik Tok ou Instagram.

Il arrive qu’interviennent dans ce cadre des personnalités connues du grand public (des influenceurs), rémunérées pour promouvoir des monnaies virtuelles auprès des personnes qui les suivent.

Ces personnalités (artistes ou sportifs de haut niveau par exemple) n’ont souvent pas de qualifications particulières en matière financière, mais utilisent leur notoriété comme argument commercial. Cette promotion cible le grand public, et donc les consommateurs. Certaines catégories particulières de personnes, telles que les mineurs d’âge, sont parfois spécialement ciblées nonobstant leur vulnérabilité.

b. Caractéristiques et risques relatifs aux cryptomonnaies

En outre, les monnaies virtuelles comportent des caractéristiques qui en font un objet d’investissement potentiellement risqué pour les raisons suivantes :

(i) elles sont dépourvues de sous-jacent lié au monde réel et/ou peuvent être sujettes à des variations brutales de valeur ;

Les monnaies virtuelles décentralisées, telles que le Bitcoin ou l’Ether, ne sont pas adossées à un actif ayant une valeur économique intrinsèque ou à un flux de revenus sous-jacents. Elles diffèrent donc fondamentalement des actifs financiers classiques.

Par ailleurs, elles présentent également des différences économiques fondamentales par rapport aux monnaies étatiques. Leur valeur n’est pas soutenue par le fait qu’elles ne sont pas émises et garanties par une banque centrale et n’ont pas cours légal sur un territoire donné.

Toutefois, certains autres cryptoactifs, pouvant être qualifiés de monnaies virtuelles, reposent sur un fonctionnement différent de celui des monnaies virtuelles décentralisées et visent à maintenir une valeur stable. Ce type de cryptoactif est souvent désigné par le terme de ‘stablecoin’. Certains stablecoins disposent ainsi bien d’un sous-jacent, qui peut aussi bien être constitué d’actifs du monde réel (une devise nationale par exemple) que d’autres cryptoactifs ou monnaies virtuelle.

L’actualité financière récente (chute brutale de TerraUSD pourtant basée sur le dollar américain) a toutefois démontré que ce type d’instrument recèle également des risques très importants et peut – nonobstant le qualificatif ‘stable’ – subir des variations très brutales de valeur en très peu de temps.

(ii) elles sont vulnérables aux activités illégales ;

Un certain nombre de plateformes de négociation ou de porte-monnaie digitaux ont ainsi déjà été piratés, ce qui a entraîné la perte des monnaies virtuelles qui y étaient négociées ou stockées.

On relève également la large présence d’acteurs malintentionnés sur le marché des monnaies virtuelles, visant particulièrement les consommateurs en raison du manque de connaissance et d’expérience de ceux ci.

Il est enfin apparu que les monnaies virtuelles sont largement utilisées afin de contourner les règles relatives au blanchiment d’argent et de financer des activités illégales.

(iii) elles présentent des risques particuliers sur le plan technique ;

Contrairement à d’autres actifs, l’existence même d’une monnaie virtuelle nécessite une maintenance continue, assurée par le fonctionnement permanent de la blockchain. Ce fonctionnement pourrait être
interrompu de manière accidentelle.

En outre, en cas de perte ou vol par l’investisseur de l’identifiant ou du mot de passe permettant d’accéder au portefeuille virtuel où sont stockées les monnaies virtuelles, l’accès à ces dernières sera définitivement perdu.

c. Volatilité

La volatilité très importante du cours des monnaies virtuelles fin 2021 et début 2022 a eu pour conséquence que des pertes significatives ont été subies par les personnes ayant investi dans celles-ci.

Une proportion importante de ces personnes est constituée de consommateurs ‘ayant pris le train en route’ lorsque le marché était haut, influencés par le climat d’euphorie qui régnait à ce moment.

2. Base légale

La commercialisation des monnaies virtuelles auprès de consommateurs, et plus particulièrement la publicité qui accompagne celle-ci, ne faisait, jusqu’à présent, l’objet d’aucun encadrement au niveau belge ou au niveau européen, autre que la règlementation générale relative aux pratiques commerciales déloyales.

Aussi bien au niveau belge qu’au niveau européen, la commercialisation de produits financiers est ainsi soumise au respect de règles spécifiques et détaillées, découlant notamment de la directive MiFID et du règlement prospectus.

Ces règles ne s’appliquent en principe pas en cas de commercialisation de monnaies virtuelles, alors que ces dernières présentent un profil de risque plus élevé par rapport à la plupart des actifs financiers.

Toutefois, les monnaies virtuelles qui constituent des instruments de placement tombent dans le champ d’application de la loi du 11 juillet 2018 relative aux offres au public d’instruments de placement et aux admissions d’instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés et sont exclues champ d’application du règlement. Certains de ces cryptoactifs constituent également des instruments financiers, et sont donc soumis à la législation MiFID.

Ceci étant, leur encadrement était insuffisant.

C’est dans ce contexte qu’une loi du 5 juillet 2022 avait modifié l’article 30bis de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillace du secteur financier et aux services financiers, afin de permettre à la FSMA d’adopter des règlements subordonnant «à des conditions restrictives la commercialisation ou certaines formes de commercialisation, auprès des clients de détail, de monnaies virtuelles, ou de certaines catégories d’entre elles ».

C’est sur cette base que la FSMA a adopté son règlement.

3. Dispositif du règlement

Le régime proposé repose sur trois éléments :

(i) le respect de règles minimales visant à assurer le caractère correct et non trompeur des informations reprises dans la publicité,

Les informations données aux consommateurs par le biais de la publicité ne peuvent être trompeuses ou inexactes.

On notera que ce principe général implique notamment que les publicités ne peuvent contenir d’appréciations subjectives qui ne sont pas étayées par une source externe indépendante et qui tendent à créer, de manière directe ou indirecte, un sentiment positif à propos du produit spécifique qui est commercialisé.

Elles ne peuvent pas non plus mettre en évidence de manière excessive une caractéristique positive ou prétendument positive.

(ii) l’insertion obligatoire d’avertissements spécifiques dans la publicité,

Etant donné la nature très particulière de l’investissement en monnaies virtuelles , la FSMA estime qu’il est opportun que chaque publicité diffusée auprès de consommateurs lors de la commercialisation de monnaies virtuelles contienne un message d’avertissement standardisé.

Toutes les publicités devront contenir le message suivant : « Monnaie virtuelle, risques réels. En crypto seul le risque est garanti ».

(iii) une obligation de notifier préalablement la publicité à la FSMA dans le cas de campagnes de masse.

La FSMA se concentrera par priorité sur les segments de marché qui présentent le plus d’importance. Il s’agit des publicités diffusées par les prestataires de services importants, susceptibles d’avoir un grand nombre de clients, et les personnes agissant pour le compte de ces derniers constitueront une priorité.

Une distinction est faite entre les publicités diffusées dans le cadre d’une campagne de masse, et celles qui sont diffusées dans un cadre plus restreint.

La notion de campagne de masse vise la diffusion de publicités auprès de 25 000 consommateurs au moins. Sont irréfragablement présumés constituer une telle campagne de masse les publicités visibles depuis la voie publique ou une infrastructure accessible au public (stade, gare ou métro par exemple), celles diffusées sur un site internet accessible au public, que ce soit par l’exploitant du site lui-même ou par une autre personne22, ou celles diffusées sur un réseau social par une personne disposant d’au moins 25 000 followers sur ledit réseau social.

Le dispositif de contrôle mis en place pour les campagnes de masse repose sur une obligation de notification préalable auprès de la FSMA. L’obligation de notification pèse sur la personne qui détermine le contenu de la publicité. Elle ne pèse donc par exemple pas sur l’organe de presse ou le média par le biais duquel une publicité serait diffusée.

4. Entrée en vigueur

Le règlement entre en vigueur deux mois après la publication de l’arrêté royal d’approbation au Moniteur belge. Il a été publié au Moniteur belge du 17 mars 2023 et entrera en vigueur le 17 mai 2023.

Les publicités diffusées à partir de la date d’entrée en vigueur sont donc soumises au dispositif du règlement. Les publicités dont la diffusion a commencé avant cette date doivent être mises en conformité avec le règlement dans les trois mois de la publication de l’arrêté royal.

En matière de cryptos, voyez également MiCA – Markets in Crypto-Assets | Droit bancaire et financier en Belgique.

Cet article de Pierre Proesmans est d’abord paru sur www.droitbancaire.be.